Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
4 mars 2010

ANALYSE:LE GENOCIDE DU RWANDA:ENTRE AVEUGLEMENT ET TENTATIVES...

machete-rwanda

De nombreuses photos ont été prises au Rwanda à l'époque du génocide, mais aucune n'était aussi emblématique que celle de Jim Nachtwey . Les machettes ont été une arme de choix au Rwanda, un outil agricole qui se trouve dans la plupart des ménages rwandais, elle était facilement accessible...

http://profile.ak.fbcdn.net/v222/361/66/q100000161516781_1938.jpgpar Vincent Portier

“Nul n’a le monopole de la souffrance et du malheur.”
Suite à la visite du Président Français au Rwanda voici le sentiment de Monsieur Alain Juppé sur les heures sombres de ce dossier   où je note que la “cohabitation” et la recherche de la place des uns et des autres a montré ses limites.Pour faire sens à cette analyse et tenter de rétablir la lumière sur ce massacre historique je vous livre en seconde partie d'article la vision d’Hervé Cheuzeville,auteur de “Chroniques africaines de guerres et d’espérance” et chargé de missions humanitaires en Afrique depuis 1989.

Le génocide du Rwanda par Alain Juppé

Rappel:Monsieur Alain Juppé a était ministre des affaires étrangères de mars 1993 à mai 1995 sous le gouvernement d'Edouard Balladur (Président François Mitterrand)

A l’occasion du tout récent voyage de notre Président de la République à Kigali, la France et le Rwanda viennent de se réconcilier. C’est une bonne nouvelle pour les deux pays.

Leurs relations étaient tendues depuis longtemps, et même carrément rompues depuis novembre 2006. Cette rupture faisait suite aux mandats d’arrêt lancés par le juge anti-terroriste français Bruguière contre neuf personnalités rwandaises proches du Président Kagamé; le juge les  soupçonnait d’avoir commandité, en avril 1994, l’assassinat du Président rwandais de l’époque, Juvénal Habyarimana, mort dans un attentat perpétré contre l’avion qui le transportait en compagnie, notamment, de son homologue du Burundi.

Le Président Kagamé contestait formellement cette accusation et mettait en cause, de son côté, les extrémistes hutus qui, par cet attentat, auraient donné le signal du génocide qu’ils préparaient contre les Tutsis. Une commission d’enquête constituée à Kigali a établi et diffusé un rapport qui conclut en ce sens et qui taxe aussi de complicité de génocide plusieurs personnalités françaises dont Hubert Védrine, Edouard Balladur, Dominique de Villepin, François Léotard , moi-même et plusieurs officiers de l’armée française. Sur ce point, le rapport n’est évidemment qu’un tissu d’allégations mensongères. Mais la technique du contre-feu est vieille comme le monde…

Je n’ai, pour ma part, aucun élément qui me permette de trancher entre les deux thèses en présence sur l’attaque de l’avion des Présidents du Rwanda et du Burundi. Je souhaite que la vérité soit faite un jour sur ces événements.

J’ai en revanche quelques convictions précises, voire quelques certitudes sur la politique de la France au Rwanda d’avril 1993 à avril 1995, période où j’ai été ministre des affaires étrangères du gouvernement Balladur, sous la présidence de François Mitterrand.

Ce que je sais, c’est qu’à l’époque, loin de prendre parti pour un camp contre l’autre, le gouvernement français a tout fait pour réconcilier le gouvernement du Président Habyarimana, légalement élu, et le leader du Front Patriotique Rwandais (FPR) , le colonel Kagamé qui, de l’Ouganda où il se trouvait en exil, se lançait dans la reconquête du territoire de son pays. C’est ce qu’on a appelé le processus d’Arusha, du nom de la ville de Tanzanie où se déroulaient les négociations. Ce processus, lancé dès 1992 , a abouti en août 1993 à une série d’accords qui actaient la réconciliation nationale, le départ des troupes françaises présentes au Rwanda, la mise en place d’une force des Nations Unies, la MINUAR, pour surveiller la bonne application de l’accord, et la création d’un gouvernement de transition consacrant la réintégration des exilés tutsis.

Nous avons presque réussi à convaincre les parties de respecter cet accord. Nous avons retiré les forces françaises de l’opération Noroît qui étaient présentes sur le sol rwandais depuis octobre 1990 pour protéger les 600 ressortissants français du Rwanda (à l’exception de 24 coopérants militaires dans le cadre d’un détachement d’assistance technique). Une Assemblée nationale de transition s’est installée en mars 1994. Bref le processus de paix semblait bien engagé… jusqu’à l’attentat du 6 avril 1994 qui a évidemment ruiné les efforts de la diplomatie française.

Ce que je sais aussi, c’est que loin de se taire sur ce qui s’est alors passé au Rwanda, le gouvernement français a, par ma voix, solennellement dénoncé le génocide dont des centaines de milliers de Tutsis étaient les victimes. Je l’ai dit le 15 mai 1994 à l’issue de la réunion du Conseil des Ministres de l’Union Européenne à Bruxelles, et de nouveau le 18 mai à l’Assemblée Nationale au cours de la séance des questions d’actualité.

Ce que je sais, c’est que la communauté internationale a fait preuve d’une passivité, voire d’un “aveuglement” scandaleux. Malgré ce qui se passait sur le terrain et que l’on savait, malgré les appels de son Secrétaire général en exercice, Boutros Boutros-Ghali, qui réclamait l’envoi rapide de 5 000 Casques bleus, le Conseil de Sécurité a été incapable de prendre la moindre décision… sauf celle de ramener les effectifs de la MINUAR de 2548 à 270 hommes (21 avril 1994).

Devant la carence de la communauté internationale et les obstacles mis par certaines grandes puissances aux demandes du Secrétaire général de l’ONU, la France a été la seule à avoir un sursaut de courage. J’ai longuement expliqué, à l’époque, l’initiative qui a abouti à l’opération Turquoise, c’est-à-dire à l’envoi d’une force internationale, principalement constituée de militaires français. Le gouvernement français a obtenu le feu vert du Conseil de Sécurité par la résolution  n°929 en date du 22 juin 1994. Le Secrétaire d’Etat américain, Warren Christopher, m’a fait personnellement part de son admiration pour cette initiative de la France.

Ce que je sais enfin, c’est que l’opération Turquoise s’est exactement déroulée dans les conditions fixées par la résolution des Nations Unies. Elle a permis de sauver des centaines de milliers de vies. Je me souviens de l’accueil que réservaient à nos soldats les réfugiés qui fuyaient les combats opposant le FPR (Front Patriotique Rwandais du colonel Kagamé) et les FAR (Forces Armées Rwandaises). Turquoise a également protégé des dizaines de sites de regroupement de civils tutsis et permis  aux ONG d’accéder en toute sécurité à ces populations. Son mandat n’était en aucune manière de faire la guerre, mais de mener une opération humanitaire, nettement définie dans le temps et dans l’espace. Elle l’a remplie dans des conditions qui font honneur à l’armée française et à notre pays. Jusqu’à ce qu’enfin arrivent sur place les Casques bleus de la MINUAR II, fin août 1994.

Tout cela, je l’ai déclaré en détail devant la mission parlementaire sur le génocide du Rwanda qu’a présidée en 1998 M. Paul Quilès. On peut se référer à ses conclusions,  ou , si l’on cherche un texte plus synthétique, à l’article que Paul Quilès a publié le 28 mars 2009 dans le Figaro, sous le titre “Rwanda: cessons de diaboliser la France”.

Aujourd’hui, il est utile que la France et le Rwanda dissipent les malentendus et se réconcilient. Il reste nécessaire que les coupables de cet abominable génocide soient poursuivis, traduits en justice et châtiés, où qu’ils se trouvent.

Mais il ne serait pas acceptable de ré-écrire une autre Histoire.

Alain Juppé http://www.al1jup.com/

REFLEXIONS SUR LE GENOCIDE RWANDAIS par Hervé Cheuzeville

Hervé Cheuzeville oeuvre dans l’humanitaire depuis plus de trente ans et depuis 1989, vit en Afrique, et plus particulièrement au Soudan, au Malawi, en République Démocratique du Congo et en Ouganda.

Site:http://sthiramany.free.fr/kadogo/index.php?lng=fr

Ces photographies de victimes du génocide rwandais sont affichées sur le mur d'une gallerie du Mémorial du génocide rwandais à Kigali, au Rwanda.

EXTRAITS:

Au Rwanda, Il y a eu un génocide, perpétré par des bourreaux appartenant à des camps différents, dont furent victimes des Rwandais de toutes origines.

Je rappellerai, pour mémoire, l’enchaînement des évènements qui ont provoqué le drame du Rwanda:

Le gouvernement du président Habyarimana était, jusqu’en avril 1994, le gouvernement légal du Rwanda, internationalement reconnu. Ce dernier était loin d’être le pire du continent africain. Moins corrompu et beaucoup moins meurtrier que d’autres, il était loin d’incarner un « nazisme tropical » dépeint par certains. N’oublions pas qu’en 1990, la majorité des régimes africains étaient encore soit des régimes militaires, soit des systèmes à parti unique. C’est cette année-là que le discours de La Baule fut prononcé par François Mitterrand, en présence d’Habyarimana. Ce n’est qu’après qu’un vent de démocratisation se mit véritablement à souffler sur l’Afrique. Il n’y avait donc rien d’inadmissible ou d’anormal, à l’époque, à ce que le gouvernement français entretienne de bonnes relations avec le gouvernement rwandais

La guerre et les massacres n’ont pas commencé en avril 1994, comme on l’entend trop souvent, mais en octobre 1990. Il faut rappeler que cette guerre débuta lorsque des unités de l’armée ougandaise franchirent la frontière entre l’Ouganda et le Rwanda et attaquèrent les positions de l’armée rwandaise. Ces unités ougandaises, composées majoritairement de fils de réfugiés rwandais, établis en Ouganda depuis la fin des années 50, avaient formé le Front Patriotique Rwandais, afin de masquer l’implication ougandaise dans cette invasion. C’est alors que les premiers massacres furent commis. Ils visèrent les populations du nord du Rwanda et furent commis par des éléments de ce FPR que personne ne connaissait encore. Lequel FPR était dirigé par Fred Rwigyema qui, avant le déclenchement de la guerre, occupait les fonctions de vice-ministre de la défense de l’Ouganda. En réaction à ce qui pouvait légitimement être vu, à l’époque, comme une agression militaire venue d’un pays voisin, il n’était pas anormal que la France réponde favorablement à la demande d’aide formulée par le gouvernement légitime d’un pays ami.

Tout au long de cette guerre, le gouvernement rwandais a été soumis à un embargo de l’ONU sur les fournitures d’armement, alors que l’Ouganda a constamment violé ledit embargo en fournissant secrètement à son allié FPR de grandes quantités d’armes et de munitions, et en lui permettant de maintenir des bases arrières sur son territoire.

Camp de réfugiés en Tanzanie, fin 1994.

Tout au long de cette guerre, des massacres ont été commis, visant principalement les populations du nord du Rwanda, majoritairement hutu.

En pleine guerre et sous la pression de la communauté internationale, le président rwandais a été contraint d’introduire le multipartisme dans son pays. C’est cette libéralisation du régime qui a permis l’émergence de mouvements politiques au discours ouvertement racistes et hostiles aux Tutsi. Il faut rappeler que ce sont des Tutsi qui composaient l’essentiel des forces et de la hiérarchie du FPR.

Le président Habyarimana a signé les accords d’Arusha qui prévoyaient le partage du pouvoir et des élections libres et démocratiques.
-
En vertu de ces accords, la France a retiré ses troupes du Rwanda en 1993.

C’est le président ougandais Museveni, « parrain » du FPR, qui a convoqué le sommet de Dar es-Salam du 6 avril 1994 et qui en a délibérément retardé la clôture. C’est ce retard qui a provoqué le décollage tardif de Dar es-Salam du président Habyarimana, en compagnie de son homologue burundais, et qui fit que leur vol dut entamer de nuit sa procédure d’approche de l’aéroport de Kigali. Cette arrivée tardive a facilité le travail de ceux qui ont perpétré l’attentat contre l’avion présidentiel. Cet attentat coûta la vie aux deux présidents, à plusieurs ministres rwandais et burundais, au chef d’état-major de l’armée rwandaise ainsi qu’à l’équipage français du Falcon 50. Premier attentat de l’Histoire dans lequel périrent deux chefs d’États en exercice, il n’a donné lieu à aucune enquête internationale. À titre de comparaison, une commission d’enquête internationale fut créée après l’attentat qui coûta la vie à Rafik Hariri, alors que ce dernier n’était même plus premier ministre du Liban lors de sa mort.

L’attentat contre l’avion présidentiel a été immédiatement suivi par deux évènements: le début des massacres à Kigali et la rupture du cessez-le-feu alors en vigueur, par le FPR. Ce dernier déclencha, la nuit même de l’attentat, une offensive générale contre les Forces Armées Rwandaises. Les massacres de Kigali visaient les Tutsi et les opposants au gouvernement, essentiellement des Hutu. Ces massacres s’étendirent, dans les jours et les semaines suivantes, à la quasi totalité du territoire encore tenu par les forces du gouvernement de Kigali. D’une ampleur inégalée, ils se sont poursuivis durant les cent jours dramatiques qui ont séparé l’assassinat d’Habyarimana de la prise de Kigali par le FPR (avril-juillet 1994). Cependant, alors que ces épouvantables massacres étaient commis en zone gouvernementale, d’autres, tout aussi épouvantables étaient commis par les éléments du FPR au fur et à mesure de leur avance.

Dès le déclenchement des massacres de Kigali, en avril 1994, la France a demandé au Conseil de Sécurité des Nations Unies de renforcer le contingent de casques bleus présents au Rwanda. Les États-Unis, qui s’opposèrent à cette requête, exigèrent au contraire l’évacuation des forces onusiennes. Tout au long de ces dramatiques cent jours, la France a continué à demander l’envoi d’une force internationale qui aurait permis l’arrêt des massacres. Ce n’est que fin juin que la voix de la France fut entendue et que l’Opération Turquoise put enfin avoir lieu, trop tard malheureusement pour des centaines de milliers de victimes. Cette opération militaire ne couvrit qu’une petite portion du territoire rwandais, dans le sud-est du pays. Trop tardive et trop limitée dans le temps et dans l’espace, elle permit malgré tout de mettre fin aux massacres dans cette zone. Certes, l’arrivée des soldats français ne mit pas un terme immédiat et absolu aux tueries, et on peut bien sûr le regretter. Un semblant d’ordre fut cependant progressivement rétabli et l’Opération Turquoise a indéniablement sauvé la vie de dizaines de milliers de Rwandais, Tutsi et Hutus: Tutsi en mettant un terme aux agissements des massacreurs interahamwe, Hutu en stoppant la progression du FPR. Les États-Unis et l’ONU portent donc une lourde responsabilité dans les évènements d’avril-juillet 1994: si le contingent des casques bleus avait été renforcé, comme le demandait la France, au lieu d’être réduit, l’ampleur des massacres, leur étendue et leur propagation auraient certainement été plus réduites.

Malheureusement, après la victoire du FPR, les massacres ont continué, visant essentiellement les Hutu, commis par les forces du nouveau régime. On se souviendra, entre autres, de la tragédie de Kibeho, entre le 18 et le 22 avril 1995, lorsque l’armée de Paul Kagame massacra les déplacés du camp, comme en témoignèrent les soldats de l’ONU présents sur place. Ce massacre qui fit au moins 8000 victimes civiles, fut loin d’être un cas isolé, et ses instigateurs n’ont jamais été inquiétés.

À partir de 1996, la tragédie rwandaise fut exportée au delà des frontières, lorsque l’armée de Paul Kagame envahit le Zaïre voisin et donna la chasse aux réfugiés rwandais qui y avaient trouvé refuge. Selon les chiffres du HCR, ce sont 200 000 réfugiés hutu qui ont disparu durant cette offensive, la plupart massacrés par l’Armée Patriotique Rwandaise. Il conviendrait aussi d’évoquer les millions de morts congolais, victimes directes ou indirectes de cette guerre qui n’en finit pas, depuis 1996. Cette guerre est une conséquence directe des évènements du Rwanda de 1990-94.
Lors du procès que SOS Racisme intenta au journaliste Pierre Péan, auteur d’un livre remarqué sur le génocide rwandais, Dominique Sopo osa déclarer: « Évoquer le sang des Hutu, c’est salir le sang des Tutsi ». Curieuse phrase sortie de la bouche du dirigeant d’une organisation à vocation anti-raciste. Le sang des Tutsi aurait-il plus de prix que celui des Hutu? Nicolas Sarkozy semble malheureusement lui avoir donné raison, en écrivant la phrase suivante, dans le livre d’or du mémorial du génocide, lors de la visite qu’il y fit le 25 février 2010: « Au nom du peuple français, je m’incline devant les victimes du génocide des Tutsi ». En s’exprimant de la sorte, le président français a « tribalisé » la commémoration des victimes du génocide. Il aurait dû rendre hommage aux victimes du génocide rwandais: cela aurait inclus toutes les victimes, qu’elles fussent tutsi, hutu ou twa.

Il est indéniable que la France a commis des erreurs au Rwanda. La cohabitation entre François Mitterrand et le gouvernement d’Édouard Balladur durant cette période a certainement compliqué les prises de décisions politiques, diplomatiques et militaires, et a nui à la cohérence de ces dernières. Mais les allégations venant de Paul Kagame et de ses relais français selon lesquelles la France aurait directement et délibérément participé à la préparation et à l’exécution du génocide rwandais m’ont toujours profondément révolté.

Il devient de plus en plus difficile d’évoquer le tragédie rwandaise. Lorsqu’on le fait, on court le risque d’être taxé de « négationnisme » par les porte-voix du dictateur de Kigali, tant au Rwanda qu’en France. Paul Kagame, qui a pourtant commencé cette guerre et qui a participé au génocide, semble inattaquable. Une certaine presse, un certain réseau d’activistes, voudraient le présenter comme étant l’homme qui a mis fin au génocide. Rien ne saurait être plus loin de la vérité. Si Paul Kagame avait continué à occuper son poste de chef de la DMI2, les services secrets de l’armée ougandaise, au lieu de se lancer dans cette tragique aventure, le sang n’aurait pas autant coulé au pays des mille collines.


Pour que le Rwanda panse ses profondes plaies, il faudra que soient reconnues et commémorées toutes les victimes de la tragédie qui l’a frappé durant la dernière décennie du XXè siècle.

Hervé Cheuzeville(26.02.10)

Texte intégrale sur:http://www.france-rwanda.info/article-reflexions-sur-le-genocide-rwandais-herve-cheuzeville-45950540.html

Durant ces nombreuses missions humanitaires, Hervé Cheuzeville a rédigé des chroniques sur son vécu qui ont fait l’objet d’édition dont:

hh

En 2003, son premier livre "KADAGO, enfants des guerres d'Afriques Centrale", publiée aux éditions l'Harmattan, relate son expérience avec les enfants victime de la guerre, tels que les enfants soldats.

En 2006, son second livre paru chez Persée Edition, "Chroniques africaines de guerres et d'espérance", est une série de chroniques rédigée sur le terrain entre 2003 et 2006.

Actuellement, Hervé Cheuzeville prépare son troisième livre, intitulé "Nouvelles chroniques d'un ailleurs pas si lointain", où il sera question, en grande partie, du Malawi, mais également du Prix Nobel de la Paix remis cette année à Barack Obama, ou encore de la désinformation dont est victime la Corse, comme l'Afrique.

Mot de l'auteur:

Je travaille dans l'humanitaire depuis la fin des années 70. Depuis 1989, je vis et je travaille en Afrique, en particulier au Soudan, au Malawi, en R.D. Congo et en Ouganda. En 2003, j'ai écrit mon premier livre, dont le titre est "KADOGO, Enfants des Guerres d'Afrique Centrale". Il a été publié aux éditions de l'HARMATTAN. Il est toujours disponible chez l'éditeur, 7, rue de l'Ecole Polytechnique, 75005 Paris, France. Cet ouvrage relate mon expérience avec les enfants victimes de la guerre, tels que les enfants soldats et les enfants victimes de mines antipersonnel. En 2006, mon second livre est sorti, chez Persée Editions. Son titre: "Chroniques Africaines de Guerres et d'Esperance". Il s'agit d'une série de chroniques le plus souvent écrites "à chaud", sur le terrain. J'y réagis aux drames qui ont secoué l'Afrique entre 2003 et 2006, et j'y dresse des portraits de personnages rencontrés au hasard de mes missions: d'humbles personnalites, telles que la Soeur Marie-Francoise, une religieuse et infirmière congolaise, ou d'autres qui "font" l'actualité, tels que feu John Garang, le leader de la SPLA soudanaise, ou que le président Joseph Kabila de RD Congo. Il s'agit d'un livre engagé offrant, je l'espère, une autre vision de l'actualité africaine. Je suis  en ce moment en train d'écrire un troisième livre, consacré à un petit pays peu connu, où j'ai longtemps vécu: le Malawi.

Hervé.Cheuzeville

Pour commander son premier livre:  presseharmattan5@wanadoo.fr

Vous pouvez également consulter le site de l'éditeur: http://www.editions-harmattan.fr

Mon second livre peut être obtenu en visitant le site de l'éditeur: http://www.editions-persee.fr

Publicité
Publicité
Commentaires
H
Le terme de « génocidaire » ne figure sans doute pas encore dans le Larousse. Il a été inventé et utilisé au Rwanda à partir de 1994, pour qualifier les personnes qui ont participé au génocide. Il a depuis été largement utilisé et cette utilisation a franchi les frontières du Rwanda. Depuis son arrivée au pouvoir en juillet 1994, le régime du général Paul Kagame a élaboré une liste de génocidaires et a émis des mandats d'arrêt internationaux visant les personnes dont les noms figuraient sur cette liste et se trouvant à l'étranger. <br /> <br /> Cependant, cette liste a évolué au fil des ans. Le pouvoir en place a eu tendance à y inclure toute personne suspecte d'opposition. Parfois même, des personnalités ayant collaboré avec le nouveau régime mais l'ayant ensuite dénoncé après s'être enfui à l'étranger se sont elles aussi retrouvées sur ladite liste. Kagame et ses alliés ont donc souvent usé et abusé du terme « génocidaires » afin de discréditer, à l'intérieur et à l'extérieur du pays, toute personne tombée en disgrâce, ou coupable d'avoir critiqué les dérives du régime. Existe-t-il, en effet, accusation plus grave, plus infamante que celle d'être un « génocidaire »? <br /> <br /> Ces accusations sont à nouveau d'actualité, depuis la visite effectuée à Kigali par le président Nicolas Sarkozy le 25 février 2010. Au cours de cette visite, le chef de l'État français a affirmé sa détermination à faire en sorte que « tous les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis, où qu'ils se trouvent ». Quelques jours plus tard, le 2 mars, Agathe Habyarimana fut interpellée dans la région parisienne, sur la base d'un mandat d'arrêt international émis par les autorités rwandaises. Présentée au parquet général de la Cour d'appel de Paris, on lui notifia la demande d'extradition la concernant. Après qu'elle eut indiqué qu'elle refusait d'être extradée, elle fut remise en liberté sous contrôle judiciaire. <br /> <br /> Qui est cette dame de 67 ans, accusée par Kigali d'avoir planifié le génocide? Elle n'est autre la veuve de Juvénal Habyarimana, président du Rwanda de 1973 à 1994 dont l'avion fut abattu le 6 avril 1994. C'est cet événement qui déclencha, dès le lendemain, la vague de tueries de Tutsi et d'opposants, qui ensanglanta le Rwanda durant cent horribles journées. Les soldats français ont évacué Mme Habyarimana dans les jours qui ont suivi l'assassinat de son mari, et elle vit depuis en France. Sa demande d'asile politique a cependant été rejetée et elle est devenue une « sans papiers ». Cependant, le dossier d'accusation semble être vide. Les autorités rwandaises n'ont aucune preuve que la veuve de l'ancien président ait « planifié » le génocide. D'ailleurs, son propre frère, qui avait été également accusé et déféré au Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) d'Arusha, a récemment été acquitté et libéré. Depuis des années, Kigali accusait Mme Habyarimana et son frère d'avoir été à la tête d'un mystérieux groupe surnommé « akazu », qui aurait préparé le génocide des Tutsi. <br /> <br /> Agathe Habyarimana n'est sans doute pas une sainte. Elle a certainement pratiqué le népotisme, du temps de la présidence de son mari. Nombre de ses proches ont à l'époque pu occuper de hautes fonctions. C'est ainsi que ce système avait été surnommé, à l'époque, « akazu », c'est-à-dire la « petite maison », en langue locale. Les critiques du régime Habyarimana prêtaient une grande influence à cette « akazu ». <br /> <br /> C'est après la guerre, sous le nouveau régime de Paul Kagame, que des bruits inquiétants ont commencé à courir sur l'akazu. Cette dernière aurait en fait été une officine occupée à préparer la « solution finale » visant à éliminer la population tutsi du Rwanda. Or, depuis sa création, le TPIR n'est pas parvenu à apporter la preuve qu'il y ait eu planification du génocide. Toutes les accusations de « planification » envers les hautes personnalités qui étaient jugées ont dû être retirées, faute de preuves. C'est ainsi que le frère d'Agathe Habyarimana fut acquitté en novembre 2009. <br /> <br /> J'ignore ce qu'il va advenir d'Agathe Habyarimana. Je ne pense pas qu'elle soit extradée vers le Rwanda. Par contre, elle risque fort d'être jugée en France. Un tel procès pourrait être bénéfique, car il prouverait à nouveau que le génocide des Tutsi et des opposants d'avril-juillet 1994 n'avait pas été planifié mais plutôt provoqué par la disparition brutale du président. <br /> <br /> D'autres Rwandais vivant en France ont fait l'objet d'accusations similaires, basées sur la fameuse liste de génocidaires diffusée par le régime de Kigali. C'est ainsi qu'il y a quelques mois les médias français firent leur « Une » de la présence d'un « génocidaire » au sein de l'équipe médicale de l'hôpital de Maubeuge. L'information leur avait été communiquée par une infirmière, qui n'avait pas apprécié une réflexion du Dr Eugène Rwamucyo. Ce dernier eut beau se défendre, le mal était fait et il fut suspendu par la direction de l'hôpital. <br /> <br /> Plus grave encore est la situation du père Wenceslas Munyeshyaka. Ce prêtre catholique subit une véritable persécution médiatique depuis 1995. Je vais tenter de résumer ici cette triste affaire. <br /> <br /> Le père Wenceslas était vicaire de la paroisse de la Sainte-Famille de Kigali. Après l'attentat contre l'avion du président Habyarimana du 6 avril 1994, les massacres commencèrent à Kigali, avant de s'étendre en dehors de la capitale. Des milliers de Tutsi affluaient à la paroisse pour tenter d'y trouver refuge. Leur nombre s 'éleva jusqu'à atteindre 18 000! Cela est sans doute dû au fait que, durant ces terribles semaines, la paroisse de la Sainte-Famille avait la réputation d'être la plus sûre de Kigali. Chaque jour, des miliciens interahamwe tentaient cependant de s'y introduire pour y enlever des réfugiés et ensuite les massacrer. Le père Wenceslas fit tout ce qu'il put pour négocier avec les soudards, pour tenter de les amadouer en se montrant amical, dans le but de sauver les malheureux sous sa protection. Il y parvint dans une large mesure. Seul, il dut faire face à des dizaines de miliciens ivres de fureur, armés et souvent drogués. Il est malheureusement arrivé que les miliciens surexcités et intoxiqués par le chanvre et par par la haine parviennent à s'introduire dans l'enceinte de la paroisse pour s'y emparer par la force de certaines personnes réfugiées à l'intérieur. C'est ce qui se produisit le 17 juin, lorsque les interahamwe réussirent à franchir la clôture et à massacrer une soixantaine d'hommes, parmi les réfugiés tutsi, malgré la présence de quatre gendarmes chargés d'assurer la sécurité. <br /> <br /> Le père Wenceslas circulait beaucoup avec la camionnette de la paroisse, à travers la ville où les combats faisaient rage, afin d'essayer de se procurer de la nourriture pour les réfugiés. Pour cela, il risquait chaque fois sa vie. En effet, il pouvait être exécuté par les miliciens rendus furieux par l'aide qu'il apportait aux réfugiés tutsi. Il risquait aussi de périr dans un bombardement du FPR qui pilonnait la ville avec ses mortiers. C'est ainsi que des journalistes occidentaux le remarquèrent, souvent engoncé dans un gilet pare-balle. Cela devait être ensuite utilisé contre lui car selon ses détracteurs, le fait qu'il utilisait un tel gilet prouverait qu'il était lui-même un milicien hutu. Or ces derniers n'ont jamais porté de gilets pare-balle qui étaient surtout utilisés par les casques bleus et les agents de l'ONU. Les mêmes journalistes le virent aussi discuter amicalement avec des chefs miliciens. Là encore, on devait plus tard en déduire que cela apportait la preuve de sa connivence avec les interahamwe. <br /> <br /> À ce stade de mon récit, je me dois d'avouer qu'il m'est arrivé, moi aussi, de porter un gilet pare-balle, lorsque la situation l'imposait. Je n'ai d'ailleurs jamais aimé un tel accoutrement, fort lourd et encombrant. J'ai aussi souvent discuté « amicalement » avec des criminels de guerre, dont certains sont aujourd'hui en prison. Je l'ai fait afin de tenter de résoudre des problèmes humanitaires, tels que la libération d'enfants soldats. Si un journaliste de passage m'avait vu revêtu d'un gilet pare-balle, en train de discuter avec un seigneur de la guerre, en aurait-il déduit que j'étais je ne sais quelle espèce de mercenaire? <br /> <br /> Le père Wenceslas affirme qu'il a accueilli dans les locaux de la paroisse « un grand nombre de réfugiés tutsi qui, désemparés et affamés, fuyaient les combats de l’Est du pays et ne savaient ni où se loger, ni comment se nourrir ». Il ajoute qu'avec de très grandes difficultés, il a essayé du mieux qu'il le pouvait, de leur porter aide et assistance. « Je crois que pour un très grand nombre d’entre eux, j’y suis arrivé, ainsi que beaucoup en ont témoigné », conclut-il. <br /> <br /> Peu avant que Kigali ne tombe complètement aux mains des forces du FPR, début juillet 1994, le père Wenceslas dut abandonner la partie et prendre le chemin de Goma, comme des centaines de milliers d'autres Rwandais fuyant l'arrivée des rebelles tutsi. En effet, s'il craignait la folie meurtrière des miliciens hutu, il redoutait autant la férocité des hommes du FPR, dont il connaissait déjà les exactions dans les zones sous leur contrôle. De plus, il savait que, pour Kagame et les siens, il était devenu un témoin gênant. En effet, le père Wenceslas avait assisté à un massacre commis par le FPR. Le 1er mai, des obus s'étaient abattus sur sa paroisse de la Sainte-Famille, faisant au moins 13 morts et une centaine de blessés parmi les réfugiés tutsi. Le général canadien Roméo Dallaire, chef des casques bleus de l'ONU, raconte cet épisode dans son livre, écrit près de dix ans après les faits: « Les analyses du cratère ont démontré que les projectiles de mortier étaient de 81 millimètres et qu'ils avaient été tirés des positions du FPR », y écrit-il1. Le père Wenceslas, témoin oculaire, a dénoncé ce crime de guerre dans des interviews radio, aussitôt après le bombardement; il n'a pas hésité à en faire porter la responsabilité au FPR. Sans doute avons-nous là l'origine de la haine tenace que lui vouent Paul Kagame et les siens. <br /> <br /> Sa décision de fuir le pays fut aussi motivée par le drame qui s'était joué le 5 juin à Gakurazo, un village proche de Kagbayi, au centre du pays. Une partie de la hiérarchie de l'Église catholique du Rwanda s'y trouvait réfugiée, rassemblée autour de Mgr Vincent Nsengiyumva, archevêque de Kigali. Il y avait là les évêques de Byumba et de Kagbayi, un vicaire général, un ancien vicaire général, le supérieur général des Frères Joséphites et sept autres prêtres. Ils furent tous rassemblés dans une salle et exécutés sommairement par un groupe de soldats du FPR. À l'approche des troupes rebelles, ces religieux avaient refusé de prendre la fuite, préférant demeurer avec les 30 000 déplacés Tutsi qui avaient trouvé refuge auprès d'eux. <br /> <br /> À son arrivée au Zaïre, le père Wenceslas retrouva nombre de ses confrères, dans les camps de réfugiés de Goma. Le 2 août 1994, avec 29 autres prêtres, il rédigea une lettre adressée au pape Jean-Paul II, expliquant que les horreurs commises durant ces tragiques cent jours étaient une réaction face à celles commises par le FPR. Le père Wenceslas et ses confrères ne tentaient pas de justifier l'injustifiable. Ils essayaient plutôt de le remettre dans son contexte, en expliquant l'épouvantable enchaînement qui avait abouti au bain de sang. Par la suite, les accusateurs de Kigali et leurs relais en France et ailleurs ont utilisé cette lettre à charge, en affirmant que le père Wenceslas avait envoyé une missive « négationniste » au souverain pontife. <br /> <br /> Quelques mois plus tard, le père Wenceslas fut accueilli en France par la Conférence épiscopale et envoyé, comme prêtre coopérateur, à Bourg Saint-Andéol, en Ardèche. Dès 1995, une campagne médiatique fut lancée, en France, contre la présence de ce prêtre « génocidaire » dans une paroisse française et contre la soi-disant « impunité » dont il aurait bénéficié. Les relais français du FPR incitèrent des réfugiés rwandais de la région de Montpellier à déposer plainte contre lui. Il fut accusé d'avoir collaboré avec les miliciens hutu en leur remettant des Tutsi réfugiés dans sa paroisse, sur la base de listes préparées ensemble. Il fut aussi accusé d'avoir abusé sexuellement de femmes tutsi réfugiées. Il s'en suivit une première interpellation du père Wenceslas, suivie de sa mise en examen, en juillet de cette année-là. Placé en détention provisoire, il fut libéré deux semaines plus tard sur une décision de la chambre d'instruction de la Cour d'Appel de Nîmes. Il a depuis lors répondu à toutes les convocations de la justice, participant même à des confrontations avec ses accusateurs. <br /> <br /> Depuis juin 2001, le père Wenceslas est prêtre coopérateur à la paroisse de Saint Gervais – Saint Protais de Gisors, dans l'Eure. Il occupe aussi les fonctions d'aumônier diocésain des Scouts de France, auprès du diocèse d'Évreux. Son changement de région n'a pas suffi à calmer la campagne médiatique. Des membres d'associations favorables au régime rwandais sont allés jusqu'à organiser des manifestations contre le père Wenceslas à Gisors. Nul doute qu'elles furent encouragées en cela par sa condamnation à la prison à perpétuité par un tribunal militaire rwandais, le 26 novembre 2006. <br /> <br /> En 2007, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a estimé que la justice française étant saisie du dossier, il n'y avait pas lieu que le Père Wenceslas lui soit remis pour un procès à Arusha. Il fut à nouveau placé en détention provisoire avant d'être une nouvelle fois libéré quelques jours plus tard. Le père Wenceslas ne se cache pas. Il n'a jamais cherché à se soustraire à la justice. Il attend sereinement son procès, afin de pouvoir enfin faire reconnaître son innocence des crimes dont il est accusé et rétablir son honneur bafoué. Car certains médias n'ont pas cru devoir respecter la présomption d'innocence en relayant la campagne orchestrée depuis Kigali. C'est ainsi que la revue « Golias », qui se présente pourtant comme catholique, est allée jusqu'à le qualifier de « nouveau Touvier ». Même « le Monde » s'y est mis. Dans son édition du 25 février 2010, ce quotidien lui a consacré un long article, sous la plume de la journaliste Catherine Simon. Elle y écrit que le prêtre rwandais coule des jours paisibles en France, malgré le mandat d'arrêt du TPIR. L'honnêteté journalistique aurait dû lui faire préciser que père Wenceslas ne s'est jamais soustrait à la justice et que c'est le TPIR lui-même qui a demandé à la justice française de le juger. Le prêtre rwandais ne peut donc être tenu pour responsable de la lenteur de la justice de ce pays. De plus, la journaliste ne mentionne pas, dans son article, tout ce que père Wenceslas a fait, parfois au péril de sa vie, pour protéger et nourrir les milliers de réfugiés qui campaient dans sa paroisse. <br /> <br /> À Gisors, les paroissiens semblent beaucoup apprécier ce prêtre venu du pays des mille collines. Un Comité de Vigilence pour la Présomption d'Innocence du Père Wenceslas a même été créé. Il a organisé dans cette petite ville du Vexin normand une soirée d'échange et d'information, le 31 août 2007, à laquelle participèrent 200 personnes. Plusieurs invités de marque y témoignèrent de l'innocence du père Wenceslas, en particulier un ancien coordinateur du Comité International de la Croix-Rouge. Ce dernier expliqua comment il avait collaboré au quotidien avec le prêtre, durant ces terribles journées de 1994, pour porter secours aux milliers de réfugiés de la paroisse de la Sainte-Famille. Il ajouta que des membres du CICR étaient présents à la paroisse en permanence et qu'aucune plainte à l'encontre du père Wenceslas n'avait jamais été reçue. Le journaliste-enquêteur Pierre Péan, auteur d'un livre sur le génocide2, y témoigna également. Il a consacré un chapitre de son livre au cas du père Wenceslas. Pierre Péan à évoqué le témoignage qu'il a recueilli de l'abbé Célestin Hakizimana. Ce prêtre rwandais était, au moment des faits, responsable de la paroisse Saint-Paul, voisine de celle de la Sainte-Famille, et il faisait partie de la même équipe sacerdotale que le père Wenceslas. Il figure au nombre des 19 héros rwandais distingués et médaillés par le gouvernement du Rwanda pour leur comportement pendant le génocide. Or, l'abbé Célestin a confié à Pierre Péan que son ami Wenceslas aurait lui aussi largement mérité de faire partie de ce groupe et de recevoir une médaille. <br /> <br /> Dans cette triste affaire comme dans d'autres, la présomption d'innocence et le droit à l'équité devraient être respectés. Or, dans le cas du père Wenceslas, ils ont été bafoués. Le fait que des citoyens français aient cru devoir relayer, avec la plus grande virulence, des accusations suscitées par le dictateur de Kigali est indigne. Il reste maintenant à espérer que le père Wenceslas Munyeshyaka pourra rapidement avoir le droit à un procès équitable, en France, loin des pressions et des manipulations du général président Kagame et de ses hommes de main. <br /> <br /> Ne nous méprenons pas. Mon propos n'est pas d'exonérer les véritables génocidaires, qui doivent être recherchés, jugés et punis. D'ailleurs, beaucoup l'ont déjà été. Depuis 1994, des dizaines de milliers de présumés génocidaires ont rempli les prisons rwandaises. Le fondateur et principal dirigeant des interahamwe a été fusillé en public, dans le plus grand stade de Kigali, en juin 1998. Depuis la création du TPIR, au lendemain du génocide, 81 personnes ont été arrêtées à travers le monde, sur mandat de ce tribunal international. Parmi elles, 23 ont déjà été définitivement condamnées et sont en train de purger leur peine. 8 accusés ont été acquittés et libérés, 26 sont en cours de procès tandis que 2 autres sont encore en attente de procès. Toutes les personnes accusées appartenaient au camp des vaincus. À ce jour, aucun criminel de guerre issu du FPR n'a été inquiété. <br /> <br /> En accusant le père Wenceslas, c'est toute l'Église du Rwanda que le régime de Paul Kagame cherche à atteindre. Le prêtre de la Sainte-Famille n'est d'ailleurs pas le seul ecclésiastique à être attaqué par les autorités de Kigali. Un prêtre français, le père Gabriel Maindron, figure aussi sur la liste des « génocidaires » diffusée par le gouvernement rwandais. Ce prêtre a passé 34 années au Rwanda. Au moment du génocide, il se trouvait dans une paroisse de la région de Kibuye, proche du lac Kivu. Témoin de l'horreur, il est parvenu à sauver de nombreux Tutsi d'une mort certaine. Le journaliste Nicolas Poincarré a d'ailleurs consacré un livre à la tragédie vécue par ce prêtre3. Un total de onze prêtres catholiques figurent sur la liste de « génocidaires » que le gouvernement rwandais diffuse dans le monde entier grâce à internet. Certes, la tragédie rwandaise constitue une blessure terrible pour cette Église, et aussi un constat d'échec. Les vieilles haines tutsi/hutu ont souvent pris le pas sur les paroles d'amour de l'Évangile. Des catholiques ont massacré d'autres catholiques et des protestants ont massacré d'autres protestants. Des prêtres et des pasteurs ont su se montrer héroïques, allant jusqu'à donner leur vie pour en sauver d'autres. Par contre, certains membres des clergés catholique ou protestant ont cédé aux vieux démons de la haine ethnique, et ils ont collaboré avec les massacreurs. Avant le génocide, l'Église Catholique du Rwanda comptait 400 prêtres. 130 ont été tués durant cette terrible période. <br /> <br /> Le régime de Kagame, ses relais en France ainsi que certains anti-cléricaux de toute obédience ont utilisé ce drame épouvantable pour prétendre que l'Église, en tant qu'institution, aurait participé au génocide. Il n'y a rien de plus faux. Des prêtres rwandais et des missionnaires ont sauvé des milliers de persécutés, des milliers d'orphelins abandonnés et traumatisés. Nombre d'entre eux ont pour cela sacrifié leur vie. Que l'Église ait compté en son sang des brebis galeuses, au Rwanda comme en Irlande ou ailleurs, cela est indéniable. Mais ces égarés ne devraient pas cacher le rôle souvent héroïque de tous les autres. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> ©Hervé Cheuzeville <br /> <br /> (05.03.10) <br /> <br /> 1« J'ai serré la main du diable. La faillite de l'humanité au Rwanda », par Roméo Dallaire, éditions Libre Expression, 2003, page 459. <br /> <br /> 2« Noires Fureurs, Blancs menteurs. Rwanda 1990-1994 », éditions Fayard, 2005.<br /> <br /> 3« Gabriel Maindron, un prêtre dans la tragédie », collection « Les artisans de la Liberté », Les Éditions de l'Atelier, 1995.
Publicité