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SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
21 novembre 2009

HOMELIE:"LA MAIN INVISIBLE" ou "GESTE DE DIEU"

"la « main invisible ». Providentielle comme au football … Elle désigne, dans son interprétation courante, un principe d’harmonisation naturelle, et miraculeuse des intérêts"Père Christian Lancrey-Javal

Certainement l'homélie la plus moderne sur l'état de notre société au sens politique,sociale et sportif."La main invisible",ou quand la
"geste" représente "l'unité de l'oecuménisme" visible de tous...

l'homélie du curé

La main invisible
Fête du Christ-Roi
22 novembre 2009
Jn 18, 33b-37


       Le Père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse de Saint Louis d'Antin

La crise actuelle n’est pas seulement financière, ni morale : elle porte sur nos modèles de gouvernement. Quand et comment faut-il intervenir ? Que faut-il légiférer ?

Dans la fascination moderne pour les méchants - les mauvais ont plus de succès que les bons, la palme revient sans doute à Judas, au vu du nombre d’écrits qu’il suscite, surtout comparativement aux autres apôtres. Sartre, dans une nouvelle intitulée Erostrate (une de ses nouvelles aussi magnifiquement écrites que malheureusement perverses) prétendait que les destructeurs sont plus importants que les bâtisseurs : Erostrate est le nom (connu) de celui qui a détruit le Temple d’Ephèse alors, faisait-il remarquer qu’on ignore le nom de l’architecte.

Judas donc, Pilate bien sûr, car Pilate occupe une place de choix parmi les méchants, mais c’est d’un troisième Mauvais de l’évangile que je voudrais dire quelques mots, en cette fête du Christ-Roi, parce qu’il est le roi de l’évangile : le roi Hérode. Hérode est un « fils-de » : le fils d’Hérode le Grand, mais autant son père, le Grand était un monstre, un massacreur d’enfants, autant le fils, le Tétrarque, est un pauvre type. Tétrarque, c’est-à-dire quart-de-place, puisqu’il a eu le quart du royaume de son père, vu qu’ils étaient trois frères et que l’aîné avait double part. Peut-être Hérode le fils n’est-il dans l’évangile qu’à titre symbolique, comme s’il fallait que la présence du Christ sur cette terre s’ouvrît et s’achevât sous Hérode.

Ce roi Hérode est un pauvre type. Pensez à la façon dont il fait exécuter Jean-Baptiste : excité par la danse lascive de la fille de sa compagne, la femme de son frère, il promet n’importe quoi, ce qui l’amène au meurtre – pour sauver la face. Le meurtre de Jean-Baptiste est décidé au jour de son anniversaire à lui Hérode : ce qui devait être un hommage à la vie se transforme en jour de mort.
Pensez à la façon dont son amitié avec Pilate se conclut dans la Passion du Christ. Luc raconte qu’après avoir bafoué Jésus, « Hérode le revêtit d'un habit splendide et le renvoya à Pilate. Et, ce même jour, Hérode et Pilate devinrent deux amis, d'ennemis qu'ils étaient ».

En même temps, aucun homme – ni Judas, ni Pilate, ni Hérode - ne mérite le mépris.

Ou plutôt, pour chaque homme, il y a toujours deux faces à examiner, comme les deux faces d’une médaille ou d’une pièce de monnaie, et cela a toujours été la marotte des rois que de faire graver des pièces à leur effigie.

Deux faces pour chaque homme, dont une face secrète qui renvoie à sa conscience.

Judas, Pilate et Hérode sont tous les trois, chacun à leur façon, des figures de la conscience. Trois figures de la conscience tourmentée, de façon insupportable, pour Judas. Dans la lâcheté pour Pilate. Dans le mal-être, pour Hérode. Hérode, c’est le mal-être de la conscience. Les évangiles racontent qu’entendant parler de Jésus, « Hérode, prince de Galilée, ne savait que penser ». Cynique, il s’exclame : « Jean ! moi je l'ai fait décapiter. Quel est-il donc, celui dont j'entends dire de telles choses ? ». Hérode est tourmenté par ses crimes. Parce que le Diable se repaît de nos crimes.

La conscience est une chambre secrète. Non pas un cabinet noir, comme le « secret du roi » du nom des services de renseignements institués par le roi Louis XV. Plutôt une chambre de jugement, à voir comment ils ont péri misérablement tous les trois, Judas, Pilate et Hérode : ils se sont auto-détruits.

Voilà pour la partie secrète. Le côté pile qui donne la valeur de la pièce. Le côté face porte l’effigie, ce qui apparaît du personnage : en l’occurrence, ces trois hommes, Judas, Pilate et Hérode sont connus et sont restés dans la mémoire des hommes pour la façon dont ils ont failli dans l’exercice de leurs responsabilités, en tant qu’apôtre (Judas), en tant que gouverneur (Pilate), en tant que Prince de Galilée (Hérode).

Si le côté pile est celui secret de la conscience, le côté face est l’apparence de responsabilité, deux côtés distincts que nous ne pouvons pas voir en même temps, et que Dieu seul jugera, car Dieu seul juge de l’imputabilité d’un méfait ou d’un crime.

Le côté face de la responsabilité. Nous avons été submergés cette année de commentaires et d’appréciations sur les responsables de la crise financière, sur leurs responsabilités. Sans que cela nous empêche de repartir de plus belle dans une nouvelle bulle spéculative.

Le désarroi de nos sociétés, et nos difficultés à réagir sont d’autant plus grandes que nous sortons d’un siècle qui a vu l’échec de toutes les politiques trop fortement interventionnistes, et de toutes les économies à forte dominante de planification.

Un chef d’entreprise argentin et chrétien, lors d’un débat devant la communauté francophone de Buenos-Aires (Cf. Revue Esprit & Vie, n. 215 et 216 – septembre et octobre 2009), faisait remarquer que « ce qui est apparemment le plus vertueux à nos esprits cartésiens – souhaiter que l’économie soit planifiée pour servir le bien commun – a dans notre monde lamentablement échoué ».

La crise actuelle n’est pas seulement financière, ni morale : elle porte sur nos modèles de gouvernement. Quand et comment faut-il intervenir ? Que faut-il légiférer ?

Ce chef d’entreprise argentin citait la formule connue de la théorie capitaliste d’Adam Smith sur la « main invisible ». Providentielle comme au football … Elle désigne, dans son interprétation courante, un principe d’harmonisation naturelle, et miraculeuse des intérêts : la recherche du bénéfice personnel profiterait à l’ensemble de la société.
Ce principe relativise le caractère mesquin ou égoïste qu’on attribue au capitalisme et à la recherche du profit personnel, par une sorte d’auto-régulation : la recherche par chacun de son intérêt personnel finit par concourir à l'intérêt de tous.

Existe-t-elle cette main invisible, cette auto-régulation naturelle ou providentielle ?

On aimerait le croire, notamment dans le domaine moral, et l’espoir existe lorsque l’on voit par exemple en Italie l’augmentation spectaculaire du nombre de médecins, gynécologues et anesthésistes, qui font valoir leur clause de conscience pour refuser de pratiquer une IVG.

Le lecteur familier de la Bible réagit de façon favorable quand il entend parler de « main invisible ». C’est une histoire de roi, racontée au chapitre cinquième du Livre de Daniel. Nous l’entendrons mercredi prochain pour ceux qui lisent les textes de la messe en semaine : l’histoire du roi Balthazar, fils du roi Nabuchodonosor.

Lors d’une orgie où il profanait les vases volés dans le Temple de Jérusalem, le roi vit apparaître des doigts de main humaine qui se mirent à écrire sur le mur. Aucun des sages du roi, ni ses devins et exorcistes ne purent déchiffrer le texte. Le prophète Daniel, dédaignant les promesses de récompense, donna la solution : « le Seigneur avait donné à ton père grandeur et majesté ; mais son coeur s’est gonflé et son esprit endurci jusqu'à l'arrogance. Il l’a payé de sa vie, et toi, son fils, le sachant, tu as fait pareil ou pire. Tu t'es exalté contre le Seigneur. Dieu a envoyé cette main qui, toute seule, a tracé cette écriture. Mené, Mené, Teqel Ou-Pharsine. Voici l'interprétation : Mené - Dieu a compté la valeur de ton règne et il y a mis fin. Teqel - tu as été pesé dans la balance et tu as été trouvé bien léger. Ou-Pharsine - ton royaume a été divisé et donné aux Mèdes et aux Perses. Balthazar ordonna de revêtir Daniel de pourpre et d’honneur. La nuit même, le roi Balthazar fut assassiné.

Il y a en principe dans le libéralisme une part essentielle laissée à l’énergie créative de chaque personne. Le Pape Jean-Paul II en a reconnu à maintes reprises la valeur, conforme au projet même de Dieu sur la Création : Dieu laisse à l’homme toute sa place ainsi qu’à son énergie créative. Bergson l’a résumé de façon excellente : « Dieu a créé des créateurs ».

Qu’est-ce qui est le plus grave dans la crise financière qui fait vaciller notre monde : est-ce l’effet troupeau, le mimétisme des opérateurs financiers sur des parts de marchés virtuels ? Est-ce cette forme affolante de grégarité ? Ou bien est-ce l’insuffisance de la part créative de l’humain ?

Le cardinal Lustiger, réagissant très vivement à une question de bioéthique, s’était exclamé : "l’homme est quand même assez intelligent pour pouvoir trouver d’autres solutions pour guérir les maladies que les manipulations génétiques scandaleuses qu’on nous propose !"

Est-ce que vous croyez que l’homme est assez intelligent pour être efficace et vertueux ?

Le plus beau et le plus motivant dans le gouvernement divin est que Dieu laisse à l’homme toute sa part de créativité, une immense autonomie. Dieu a confiance en l’intelligence de l’homme. Voilà la vraie Royauté.

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