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SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
6 décembre 2009

HOMELIE:NOUS ARRETER EN SILENCE...

"Vous en rencontrez : des gens qui savent déjà, qui croient savoir. Il n’y a rien à leur dire, ils n’écoutent pas : ils savent. Moi-même d’ailleurs, cela m’arrive également."Père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse de Saint Louis d'Antin

Vincent Portier par Vincent Portier

Demain et ce pendant 10 jours des scientifiques,des politiques,des écologistes,bref l'Homme va écouter l'homme pour prendre conscience de sa part de responsabilité dans l'Etat de l'environnement, de la Terre, du Monde.Le résultat importe surtout que l'homme,nous tous,comprenions que l'erreur des uns peu être à la destruction de Tous.Alors prenons cette homélie comme une respiration,une inspiration pour demain...


l'homélie du curé

Lectio divina : nous arrêter en silence
2ème Dimanche de l’Avent, Année C
6 décembre 2009
Lc 3, 1-6


       Le Père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse de Saint Louis d'Antin

Le mois dernier, un prêtre est venu célébrer une messe à Saint-Louis d’Antin en remplacement d’un de ses confrères religieux : une petite messe (par la taille de l’assemblée), le vendredi matin à 9h30. Ce prêtre, qui était déjà venu confesser une fois, avait essayé de me joindre par téléphone l’avant-veille, sans succès. Dix minutes avant la messe, il me téléphone de la sacristie pour me demander comment célébrer – comprenez : pour savoir s’il y a ici des usages particuliers. Ce prêtre qui a vingt ans de ministère, qui depuis plus de vingt ans célèbre la messe tous les jours, appelait le curé du lieu pour s’enquérir des usages. Il n’a pas estimé qu’il savait faire. Il a fait mon admiration. Un exemple, pour moi, par rapport à tous les gens qui croient savoir.

Vous en rencontrez : des gens qui savent déjà, qui croient savoir. Il n’y a rien à leur dire, ils n’écoutent pas : ils savent. Moi-même d’ailleurs, cela m’arrive également.

C’est la source de nombreux malentendus dans l’Eglise que ces présomptions, notamment dans la célébration des sacrements quand des parents viennent à l’église demander le baptême de leur enfant, ou des fiancés la célébration de leur mariage : ils ont déjà une idée de ce que cela représente. Ils savent ce qu’ils veulent, qui n’est pas toujours ce qui est.

Ecoute. L’écoute est le premier temps de la lectio, la lectio divina, la lecture priante de la Bible. Longtemps réservée aux moines, et enfermée dans les couvents, la lectio divina est une des grandes re-découvertes du siècle. Son premier temps est simple : la lecture et la relecture du passage que l’on a choisi de prier – qui peut être l’évangile du jour ou du dimanche.

Lire tous les mots du texte, chaque phrase, plusieurs fois si nécessaire, non pas pour reconnaître le texte à partir de la mémoire qu’on peut en avoir, mais commencer par mettre sa mémoire de côté pour le reprendre à nouveau. Dans lectio, il y a retour à zéro, ou reprise à nouveau.

Un test simple : fermez les yeux, et pensez à l’évangile de ce dimanche - combien pouvez-vous citer de noms propres ? – de personnes et de lieux ? Faites le test – histoire de prendre conscience de votre écoute effective.

Les premières lignes comportent six notations historiques, solennelles, les deux premières sont romaines (l’empereur Tibère et le gouverneur Pilate), les trois suivantes sont des potentats locaux, les princes Hérode, Philippe et Lysanias, la sixième notation est religieuse des deux grands prêtres, si l’on compte six notations historiques avant d’arriver au Baptiste qui est le 7ème.
L’avantage est de retrouver dans la citation d’Isaïe la même composition en septénaire, avec six notations d’actions à mettre en œuvre (préparer le chemin, aplanir la route, combler les ravins, abaisser les collines, redresser les sentiers, aplanir les chaussées) avant d’arriver à la 7ème mention, l’oracle du Seigneur : «  tout homme verra le salut de Dieu ».

Nous avons une richesse inouïe aujourd’hui : nous disposons matériellement des textes, sous de multiples formes. Pendant des siècles, nos ancêtres, nos prédécesseurs, nos parents dans la foi ne disposaient que d’une transmission orale, ou au mieux d’une forme écrite réservée à quelques privilégiés. Mais cette richesse se transforme pour nous en handicap puisque nous croyons qu’en disposer matériellement suffit. Comme s’il suffisait d’avoir un livre dans sa bibliothèque, pour en avoir la science.

Souvenez-vous quand vous étiez enfants et que vous alliez chercher les œufs de Pâques, cachés dans le jardin. Bien sûr vous pouviez partir bille en tête, truffe au vent. Ou bien, avant de foncer, commencer par regarder – regarder ce jardin comme vous ne l’aviez jamais vu. Un trésor est caché.

Le deuxième temps de la lectio divina est le temps de la meditatio, qu’il est trompeur de traduire par « méditation ». Lors de son audience générale du 28 octobre dernier, Benoît XVI a livré une réflexion très « ratzingérienne » sur l’essor de la théologie au Moyen-Âge. Il a expliqué qu’au 12ème siècle le renouveau de la réforme grégorienne avait été à la fois spirituel et théologique avec l’apparition des deux grands modèles de théologie : d’une part le modèle monastique, la théologie des moines plongés dans l’Ecriture, et d’autre part le modèle scholastique, une théologie qui n’est plus celle des monastères mais des « écoles » (scholae), des universités, une théologie « disputée » dont nous sommes encore tributaires, des « questions disputées » autour de problèmes posés par la Bible, par la Tradition, par la Raison. Une façon particulière, pour reprendre une expression de Benoît XVI, « d’appliquer la philosophie à la théologie ». C’est l’usage de la disputatio, au détriment souvent de l’écoute. Opposition entre la théologie du cœur et celle de la raison (audience du 4 novembre).

La méditation du texte biblique dans la prière ne relève pas d’un exercice de dispute théologique : nous n’entrons pas dans le texte armé d’une question à résoudre, pas plus que nous ne cherchons à exploiter ce texte pour avoir raison. « La méditatio-n pose la question suivante : que nous dit le texte biblique ? » (cf. Message du synode sur la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Eglise, 24 octobre 2008).

Soyons sensibles à ce qui nous est dit par cet évangile sur Jean-Baptiste, au-delà de sa confrontation aux personnalités de son temps – dans la façon dont il transforme une parole adressée dans le désert (une voix crie) en une proclamation qui parcourt toute la région du Jourdain : la proclamation de la Parole de Dieu est comme un fleuve qui transforme le désert en terre fertile. Le livre de Baruch en première lecture fait écho à la citation d’Isaïe dans l’évangile dans l’aplanissement spectaculaire du relief. Mais en vérité l’important n’est pas, pour la terre comme pour notre cœur, que ce soit aplani, mais que ce soit fertile. Vivant. Irrigué. La Gloire de Dieu n’écrase pas le sol : elle donne la vie.

« On arrive ainsi à la prière (oratio) qui suppose cette autre demande : que disons-nous au Seigneur en réponse à sa parole ? » (id.). Si je suis vivant, je réponds. Le temps de l’oratio, ce 3ème temps de la lectio divina est un temps d’engagement personnel, sous l’action de l’Esprit-Saint. Ce temps de la prière suppose une régularité, une fidélité, une familiarité, comme pour tout dialogue : que nous soyons habitués, familiarisés avec le langage de l’autre. En l’occurrence de la Bible. Comment peut-on dire qu’on aime quelqu’un si on ne passe pas du temps avec lui ?

Un des grands réformateurs de l’Histoire de l’Eglise, saint Charles Borromée, le saint patron de Karol Wojtyla, fut Archevêque de Milan au 16ème siècle, comme un météore, puisqu’il fut Cardinal à 23 ans, prêtre et évêque à 25, et mourut à 46 ans (comme saint François-Xavier), après avoir réformé la formation des prêtres par l’oraison mentale : la prière silencieuse.

Il fut le Ratzinger du Concile de Trente, dont il en rédigea le Catéchisme. Sa puissance de travail était considérable : grâce à lui, le Pape Pie IV, son oncle, put achever ce Concile de Trente en 1563, vingt ans après son ouverture. Il s’est occupé de la correspondance avec les agents du Saint-Siège, les nonces et les légats du Concile, travaillant la nuit, rédigeant de brefs rapports sur les nouvelles qui lui parvenaient, répondant à la correspondance pontificale, il s’occupait de toutes les affaires courantes, en prenant toujours le temps de s’arrêter et prier.

A notre époque où nous parlons tant d’équilibre, n’allons pas imaginer que c’est affaire de dosage, de savante alternance entre travail et loisirs, entre pour soi et pour les autres, entre vie active et contemplative. Vous savez ce que c’est l’équilibre ? L’équilibre est une capacité à s’arrêter. De même que le respect est une juste distance, de même, l’équilibre est une capacité à s’arrêter, rester en équilibre, sans tomber. Charles Borromée était un homme hyperactif, déployant une activité considérable, dans un diocèse aux dimensions effrayantes, qui était capable à tout moment – c’est-à-dire aux heures dites, de s’arrêter. « Comprenez, mes frères, que rien n’est aussi nécessaire, pour des hommes d’Église, que l’oraison mentale qui doit précéder toutes nos actions, les accompagner et les suivre ».

Dans cette homélie donnée au Bréviaire au jour de sa fête (OL au 4 novembre), saint Charles Borromée insiste sur la nécessaire cohérence de notre vie :
« Voici quelqu’un, dit-il, qui voudrait mener une vie chaste ; mais il ne décide pas d’employer les moyens voulus : le jeûne, la prière, la fuite des relations mauvaises, des familiarités nuisibles et dangereuses. En voici un qui se plaint, lorsqu’il va prier, de ce que mille pensées se présentent à son esprit et le distraient de Dieu. Mais avant de prier, ou d'aller à la messe, comment s’est-il préparé, quels moyens a-t-il pris pour maîtriser son attention ? (…)
Tu as charge d’enseignement ? Étudie, travaille. Mais soucie-toi d’abord de prêcher par ta vie et tes mœurs ; évite qu’en te voyant dire une chose et en faire une autre, les gens ne se moquent de tes paroles en hochant la tête. Tu as charge d’âmes ? Ce n’est pas une raison pour négliger la charge de toi-même ».

Jean-Baptiste a vécu au plus haut point cet équilibre et cette cohérence. Il a mené une vie chaste, et il a employé les moyens voulus : le jeûne, la prière, la fuite des relations mauvaises, des familiarités dangereuses. Il a lutté contre les distractions dans la prière, en maîtrisant son attention, par la lecture des prophètes. Il avait charge d’enseignement – plus encore d’annonce de l’Evangile à venir. Il a commencé par prêcher par sa vie et ses mœurs.

Aux premières Vêpres de l’Avent, samedi dernier, le Pape Benoît XVI s’est interrogé sur « l’expérience que nous faisons tous, dans notre existence quotidienne, d'avoir peu de temps pour le Seigneur et peu de temps également pour nous. On finit par être absorbé par ce qu'il faut ‘faire’. N'est-il pas vrai que souvent c'est l'activité qui s'empare de nous, la société et ses multiples intérêts qui monopolisent notre attention ? N'est-il pas vrai que l'on consacre beaucoup de temps au divertissement et aux distractions en tout genre ? Parfois, les choses nous ‘submergent’. L'Avent, ce temps liturgique fort que nous commençons, nous invite à nous arrêter en silence pour comprendre une présence ».

L'Avent, ce temps fort que nous vivons, nous invite à nous arrêter en silence pour comprendre une Présence. L'Avent nous invite à nous arrêter en silence pour contempler une Présence.

La proclamation de Jean-Baptiste se passe au désert. L’événement historique que nous célébrons ce dimanche, l’annonce que les temps sont accomplis, ce tournant dans l’Histoire du Salut et de l’humanité, n’a pas lieu à Jérusalem. Mais au désert. Sur le lieu d‘origine du peuple de Dieu. Dans le silence de nos vies.

Après le temps de l’oraison vient le temps de la contemplatio-n, le 4ème temps de la Lectio, au cours duquel « nous demandons comme un don de Dieu son propre regard à lui sur la réalité, et nous nous demandons : quelle conversion de l’esprit, du cœur et de la vie, le Seigneur nous demande-t-il ? » (Ibid. : Message du Synode).

Si je suis vivant, je réponds. Et parce que le Seigneur m’aime, je réponds librement.

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