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SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
11 octobre 2009

HOMELIE:DEVENIR PRETRE

l'homélie du curé

Devenir prêtre
28ème Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
11 octobre 2009
Mc 10, 17-30


       Le Père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse de Saint Louis d'Antin

Dans l’évangile, il y a ceux que Jésus vient chercher, qu’il appelle comme il a appelé Matthieu : viens, suis-moi. Comme les premiers disciples, au bord du lac. Ils ne sont pas les plus nombreux. D’ailleurs, dans l’évangile de saint Jean, André, le frère de Simon-Pierre, n’est pas au bord du lac, mais du Jourdain, et il suit Jésus sur les indications du Baptiste. Il fait partie de la seconde catégorie, de ceux qui viennent à Jésus parce qu’ils cherchent – ils cherchent la vérité ? - l’amour ? - du sens ? - une réponse ? - le bonheur ? - la vie éternelle comme cet homme riche qui accourt auprès de Jésus ?
Dans l’évangile de saint Jean, le modèle est Nicodème qui vient de nuit voir Jésus ; dans les autres évangiles, le modèle est plutôt Zachée, mais, pour rester dans l’évangile de saint Jean, rappelons la démarche des Grecs, juste avant la Passion, avec cette formule hautement symbolique : « nous voulons voir Jésus ».

L’homme riche, face à Jésus, est déjà face à la vie éternelle.

Il y a donc ceux qui sont appelés comme Matthieu. Il y a ceux qui cherchent comme cet homme riche, riche et fiable : tout cela, je l’ai fait depuis ma jeunesse. Et ce parallèle entre Matthieu et l’homme riche a l’avantage de montrer que l’argent n’est pas un vrai obstacle.

Et puis, il y a les autres. Ceux qui viennent et n’entendent pas l’appel. Je rencontre au moins chaque semaine quelqu’un qui s’est bougé, qui a cherché, qui a rencontré Jésus lors d’une retraite de prière, qui est resté avec lui, qui va plusieurs fois par semaine à la messe, qui n’est pas reparti, - qui n’avait pas de grands biens, mais qui s’interroge toujours sur sa vocation, sur son appel.

Beaucoup d’entre vous me le disent, qui s’interrogent sur une vie donnée à Dieu, comme prêtre, comme religieuse, comme consacrée, dans le mariage ? Et qui continuent en attendant.

Dirons-nous, puisque c’est le même Matthieu qui raconte cette parabole, qu’ils sont comme les ouvriers de la parabole, qui attendent : pourquoi restez-vous là sans rien faire (Mt 21, 6) ? Signalons que cette phrase n’est pas un reproche : n’y entendez aucun ton de reproche comme le montre la suite de la parabole.

Qu’est-ce qui vous empêche de sauter le pas ?

Une des plus belles pages de l’Histoire de France a été écrite il y a un demi-siècle en Indochine, à Diên Biên Phù. A des milliers de kilomètres d’ici, dans un pays qui fêtera en 2010 le cinquantième anniversaire de l’érection de la hiérarchie catholique au Vietnam, établie par Jean XXIII par le décret du 24 novembre 1960, et les 350 ans de la constitution des deux premiers vicariats apostoliques du pays. Aujourd’hui, dans le diocèse de Dà-lat, celui du Président de la Conférence épiscopale vietnamienne, il y a huit à neuf mille baptêmes chaque année, dont le tiers, soit trois mille d’adultes : l’équivalent en un an du seul jour de la Pentecôte (Ac 2, 41) Mais dix fois plus qu’à Paris. Et pourtant, dans tout le pays, persécutions et vexations.

Il y a cinquante cinq ans, à Diên Biên Phù, le 7 mai 1954, la France perdait militairement contre le Communisme. Et la défaite de la France a marqué la fin de la liberté religieuse et la spoliation par le pouvoir communiste des biens de l’Eglise. Mais à Diên Biên Phù, les soldats français ont montré ce que signifient les valeurs de la Patrie : courage, honneur, fidélité.

Vous connaissez l’histoire. Stratégiquement, elle est navrante : la stratégie française de la cuvette (à l’image de Sedan). Mais militairement, elle est inoubliable.

En manque de troupes, alors que tout le monde savait la situation désespérée et la chute du camp imminente, on a proposé aux volontaires qui le souhaitaient d’être parachutés comme renforts. A Hanoï, des centaines de personnes ont répondu, militaires ou civils, des marchands, des employés, des fonctionnaires - la plupart n'avait jamais sauté en parachute, voire jamais tenu une arme. Ils sont partis pour les copains, pour l'honneur, pour la France.

Diên Biên Phù marqua la fin de la guerre d’Indochine. Ce fut la bataille la plus longue et la plus meurtrière de l'après Seconde Guerre Mondiale, et un point culminant de la Guerre Froide. On estime à près de 25.000 le nombre des vietnamiens tués. Dix fois plus que dans les rangs de l'armée française qui compta 2.293 morts, mais sur les 11.721 soldats français faits prisonniers, seulement 3.290 (moins du tiers) sont revenus vivants.

Bien sûr, on pourrait prendre un autre exemple de courage dans l’Histoire, de la résistance contre la défaite et l’occupation nazie, mais comme l’a montré récemment celui qui fut le secrétaire de Jean Moulin, ils furent bien moins nombreux à Londres que les soldats français à Diên Biên Phù.

On peut avoir cela en tête en cette année du prêtre : suivant les situations, le prêtre est un résistant, celui qui quitte la France et part pour Londres, et cette comparaison n’a rien de déplacé lorsqu’on est conscient d’une barbarie rampante dans les tentations eugénistes de notre pays. Ou bien, il est un parachutiste, celui qui n’abandonne pas ses camarades même quand, à vue humaine, la situation semble foutue.

Si l’homme – si des hommes et des femmes en pleine jeunesse ont été capables par le passé de tels sacrifices, et disons-le : d’une telle grandeur, pour des combats qui étaient des combats humains, dans des conflits marqués de tous côtés par le péché, où nul n’était innocent – combien plus ! frères et sœurs - combien plus devrions-nous être capables de nous engager pleinement à la suite du Christ pour un combat sans violence, pour faire triompher l’Amour ?!

Cela déplaisait à mes formateurs au Séminaire, et encore aujourd’hui à mes confrères, quand je leur disais que pour moi devenir prêtre, c’est comme de sauter sur Diên Biên Phù. Pour les copains, pour l'honneur, pour la France, pour le Seigneur.

J’ai eu pour ami dans les années 70 un vieux paysan beauceron, qui m’emmenait à la chasse le dimanche comme rabatteur. C’était un malin, et une vraie gâchette – il manquait rarement sa cible. Le soir, on se retrouvait entre familles au coin du feu, et après deux ou trois verres, commençaient les confidences. Il avait rêvé d’une carrière militaire, et puis, au moment de son engagement, c’était la guerre d’Indochine, et il n’avait pas voulu quitter sa terre – iol était resté tout triste. Une lueur de nostalgie passait dans son regard.

A Hanoï, en avril 54, beaucoup se sont demandés s’ils devaient y aller. Nul ne sait combien ont renoncé mais ils ont été bien plus nombreux à sauter sur Diên Biên Phù que près de quinze ans plus tôt en France en 40 à partir pour Londres.

Pourquoi rester là sans rien faire ?

Sont-ils repartis comme l’homme de l’évangile, tout tristes, parce qu’ils ne savaient pas vraiment quel était le vrai Bien ? Parce qu’ils ne croyaient pas au centuple ?

Un roman policier qui avait eu du succès en son temps s’intitulait : « On ne mange pas que du caviar ». Il avait pour particularité de comporter une recette de cuisine à chaque chapitre au motif que le héros était un amateur de cuisine. Ce héros justement se retrouvait à un moment du livre dans un camp d’entraînement pour agents secrets. Et dans l’entraînement qu’il recevait avec ses camarades, on l’emmène un jour au sommet d’une sorte de falaise, dont on ne voyait rien du vide. Et ils reçoivent l’ordre de sauter. Parce que c’est le héros, il s’exécute, et voit sa chute amortie dans un filet dissimulé. Pourquoi avez-vous obéi à cet ordre ? lui demande l’instructeur. Et lui de répondre : je pense que vous ne vous donnez quand même pas tout ce mal avec nous depuis des semaines pour tout foutre en l’air.

Ce n’est pas le pari de Pascal. C’est simplement du bon sens.

Je n’irais pas jusqu’à vous proposer, en cette année du prêtre, de voir dans le Curé d’Ars une sorte de « béret vert », un de ces types qu’on larguait en pleine brousse et qui savait entraîner avec eux toute la population locale.

Considérez seulement la capacité de l’homme à faire preuve d’héroïsme pour des combats ou dans des causes qui n’en valent pas la peine. Combien plus devrions-nous être capables de suivre le Christ pour la Vie éternelle.

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