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SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
17 janvier 2010

BILAN 2009 DU DROIT A L'INFORMATION DANS LE MONDE

A la veille du nouvel an, la disparition en Afghanistan de la reporter canadienne Michelle Lang, tuée le 30 décembre 2009, par l’explosion d’une bombe au passage d’un véhicule de l’armée canadienne dans lequel elle se trouvait rappelle avec cruauté les dangers auxquels sont confrontés les journalistes dans les zones de conflit.

« La liberté de la presse doit être défendue partout dans le monde, avec la même force et la même exigence », a déclaré Jean-François Julliard, à l’occasion de la publication du huitième classement mondial de la liberté de la presse par Reporters sans frontières, le 20 octobre 2009.

L’année 2009 restera marquée par deux événements dramatiques : le plus grand massacre de journalistes commis en une seule journée, celui de 30 professionnels des médias par la milice privée d’un gouverneur du sud des Philippines ; et une vague d’arrestations et de condamnations sans précédent de journalistes et blogueurs en Iran après la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad.

Par ailleurs, pour échapper à la prison ou à la mort, près de 160 journalistes de tous les continents ont pris le chemin de l’exil, dans des conditions parfois très périlleuses. Photographes de presse iraniens traversant la frontière vers la Turquie pour échapper à l’arrestation, ou reporters radio somaliens fuyant vers les pays frontaliers pour éviter une mort certaine, ces professionnels sont autant de relais d’information que l’on cherche à faire taire par tous les moyens.

« Les guerres et les élections ont été les principales menaces concernant les journalistes en 2009. Couvrir un conflit est de plus en plus dangereux, tant les journalistes sont pris pour cibles et risquent assassinats ou enlèvements. Mais faire son travail de reporter en période électorale peut s’avérer tout aussi dangereux et conduire directement en prison ou à l’hôpital. Les violences pré ou post-électorales commises contre des journalistes ont été particulièrement importantes en 2009 dans des pays peu démocratiques. Autre constat – qui n’est pas une surprise – les blogueurs et les sites Internet sont de plus en plus nombreux à être touchés par la censure et la répression. Il n’existe pratiquement plus aucun pays, aujourd’hui, qui échappe à ce phénomène. Chaque fois qu’Internet ou les nouveaux médias (réseaux sociaux, téléphones portables, etc.) jouent un rôle prépondérant dans la diffusion d’informations, le retour de bâton est sévère. Les blogueurs sont désormais tout autant surveillés que les journalistes des médias traditionnels.

Enfin, notre principale inquiétude concernant l’année 2009 vient de l’exode massif de journalistes en provenance de pays répressifs comme l’Iran ou le Sri Lanka. Les autorités de ces pays ont compris qu’en incitant les journalistes à partir, elles réduisaient ainsi considérablement le pluralisme des idées et le degré de critique. Cette tendance est dangereuse et il faut absolument qu’elle soit dénoncée avec force », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières, à l’occasion de la publication de ce bilan de l’année 2009.

« Il est inquiétant de constater que des démocraties européennes comme la France, l’Italie ou la Slovaquie continuent, année après année, de perdre des places dans le classement. L’Europe doit faire preuve d’exemplarité dans le domaine des libertés publiques. Comment dénoncer les violations commises dans le monde si l’on n’est pas irréprochable sur son territoire ? L’effet Obama, qui a permis aux Etats-Unis de regagner 16 places, ne suffit pas à nous rassurer. Dans le bas du classement, nous sommes particulièrement préoccupés par la situation en Iran. Le pays se rapproche dangereusement du trio infernal pour la liberté de la presse, constitué depuis des années par l’Erythrée, la Corée du Nord et le Turkménistan », a ajouté le secrétaire général de l’organisation.

ETAT DU DROIT A L'INFORMATION DANS LE MONDE:
L’effet Obama aux Etats-Unis, alors que l’Europe recule encore
Israël en chute libre, l’Iran aux portes du trio infernal
Le classement mondial de la liberté de la presse est établi comme chaque année par Reporters sans frontières, grâce aux centaines de journalistes et experts des médias qui ont répondu à son questionnaire. Il prend en compte les violations de la liberté de la presse commises entre le 1er septembre 2008 et le 31 août 2009.

La fin du modèle européen ?

L’Europe a longtemps été exemplaire en matière de respect de liberté de la presse, mais cette année, plusieurs pays européens reculent très nettement. Même si les treize premières places restent occupées par des Etats européens, d’autres tels que la France (43e), la Slovaquie (44e) ou l’Italie (49e), continuent leur descente, perdant respectivement huit, trente-sept et cinq places. Ils se font distancer par de jeunes démocraties africaines (Mali, Afrique du Sud, Ghana) ou latino-américaines (Uruguay, Trinidad et Tobago). Des journalistes sont encore menacés physiquement, en Italie, en Espagne (44e), mais aussi dans les Balkans, notamment en Croatie (78e) où le 23 octobre 2008 le propriétaire et le directeur marketing de l’hebdomadaire Nacional ont été tués dans un attentat à la bombe. Mais la principale menace, plus grave à long terme, vient des nouvelles législations en vigueur. De nombreuses lois promulguées depuis septembre 2008 viennent remettre en cause le travail des journalistes. En Slovaquie (44e), elle a permis d’introduire la notion dangereuse de droit de réponse automatique et accroît fortement l’influence du ministre de la Culture dans les publications.

Israël : opération chape de plomb sur la presse

L’opération militaire "Plomb durci" menée par Israël contre la bande de Gaza a eu également des répercussions sur la presse. Israël perd quarante-sept places et se retrouve au 93e rang du classement. Cette chute libre fait perdre à Israël son statut de premier pays du Moyen-Orient, en le faisant passer derrière le Koweït (60e) et les Emirats arabes unis (86e). Sur son territoire, Israël commence à appliquer les mêmes méthodes qu’à l’extérieur. Reporters sans frontières a ainsi pu recenser cinq arrestations, parfois en dehors de tout cadre légal, et trois emprisonnements de journalistes. La censure militaire appliquée à tous les médias fait également planer une menace sur la profession. En dehors de son territoire, Israël atteint la 150e place. Le bilan de la guerre est très lourd : une vingtaine de journalistes ont été blessés dans la bande de Gaza par les forces armées israéliennes et trois ont péri alors qu’ils couvraient le conflit.

L’Iran aux portes du trio infernal

Les journalistes ont souffert plus que jamais cette année dans l’Iran de Mahmoud Ahmadinejad. La réélection contestée du Président a plongé le pays dans une véritable crise et instauré une paranoïa à l’égard des journalistes et blogueurs. Censure préalable et automatique, surveillance des journalistes par l’Etat, mauvais traitements, journalistes obligés de fuir le pays, arrestations illégales et emprisonnements, tel est le tableau de la liberté de la presse cette année en Iran. Déjà proche de la fin du classement les années précédentes, l’Iran est arrivé aux portes du trio infernal, toujours composé par le Turkménistan (173e), la Corée du Nord (174e) et l’Erythrée (175e), où la presse a été tellement bâillonnée qu’elle y est aujourd’hui inexistante.

L’"effet Obama" ramène les Etats-Unis parmi les vingt premiers pays

En un an, les Etats-Unis sont remontés de 16 places, passant du 36e au 20e rang. L’arrivée du nouveau président Barack Obama et son attitude moins belliqueuse que celle de son prédécesseur à l’égard de la presse y est pour beaucoup. Mais cette forte remontée ne concerne que l’état de la liberté de la presse sur le territoire américain. Si Barack Obama a obtenu le Nobel de la paix, son pays reste engagé dans deux guerres. Malgré une légère amélioration de la situation, l’attitude des Etats-Unis à l’égard des médias en Irak et en Afghanistan est préoccupante. Plusieurs journalistes ont été blessés ou détenus par l’armée américaine. L’un d’eux, Ibrahim Jassam, est toujours détenu en Irak.

Guerres et élections contestées : sujets les plus dangereux pour les journalistes

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LE BILAN 2009:

Une augmentation de 26% du nombre de journalistes tués

La quasi-totalité des journalistes tués en 2009, à l’exception du réalisateur de documentaires franco-espagnol Christian Poveda, assassiné au Salvador, étaient des nationaux. "Moins connus de l’opinion publique internationale que les grands reporters, ce sont pourtant ces journalistes locaux qui paient, chaque année, le prix le plus lourd pour garantir notre droit à être informés sur les conflits, la corruption ou la destruction de l’environnement", a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.

2009 a très mal débuté avec l’offensive militaire israélienne à Gaza. En plus de fermer l’accès du territoire palestinien aux médias étrangers, le gouvernement israélien a mené des raids violents sur des bâtiments abritant des médias. Deux reporters ont été tués dans ces attaques. Dans le Caucase russe, journalistes et défenseurs des droits de l’homme ont connu une année de tous les dangers. Natalia Estemirova en Tchétchénie, Malik Akhmedilov au Daghestan, autant de témoins de la sale guerre menée par Moscou et ses alliés locaux, qui ont été éliminés en toute impunité.

Les groupes islamistes radicaux ont causé la mort d’au moins 15 journalistes dans le monde. Ainsi, en Somalie, la milice Al-Shabaab multiplie les assassinats ciblés et les attentats suicides. Au total, neuf reporters sont morts, dont quatre de la station Radio Shabelle, laquelle tente d’informer malgré le chaos. Au Pakistan, les reporters sont davantage visés par les groupes taliban du nord-ouest du pays.

Enfin, le nombre d’enlèvements continue à augmenter légèrement. La majorité des cas sont concentrés en Afghanistan, au Mexique et en Somalie. Si le journaliste du New York Times David Rohde et son fixeur ont réussi à échapper aux mains des taliban, le reporter afghan Sultan Munadi a été tué lors de l’opération militaire qui devait le sauver.

"Trois ans après l’adoption de la résolution 1738 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la protection des journalistes en zones de conflit, les gouvernements semblent toujours incapables d’assurer la sécurité des professionnels des médias", a ajouté Reporters sans frontières.

Autres formes de violences, les agressions et les menaces ont augmenté d’un tiers (passant de 929 cas en 2008 à 1456 en 2009). C’est sur le continent américain (501 affaires) que les journalistes sont les plus exposés, notamment quand ils dénoncent le narcotrafic, la corruption, ou les potentats locaux. L’Asie vient derrière avec 364 affaires de ce genre, notamment au Pakistan, au Sri Lanka et au Népal. Le nombre de médias censurés augmente dangereusement, avec au moins 570 cas de journaux, radios ou télévisions interdits de diffuser une information ou contraints à la fermeture. Ce fut le cas pour un magazine satirique de Malaisie, une douzaine de journaux réformateurs en Iran, Radio France Internationale en République démocratique du Congo ou encore la BBC World Service au Rwanda.

Le nombre de journalistes arrêtés (de 673 en 2008 à 573 en 2009) connaît une légère baisse, notamment du fait de la baisse des privations de liberté en Asie. C’est le Moyen-Orient qui connaît le plus grand nombre de cas.

Violences électorales

Les 30 journalistes assassinés sur l’île de Mindanao couvraient la tentative d’un opposant au potentat local de s’inscrire comme candidat aux élections régionales de 2010. De même, le journaliste tunisien Taoufik Ben Brik a été emprisonné dans les jours qui ont suivi la réélection du président Ben Ali, alors que son collègue Slim Boukhdhir a subi une violente agression. Au Gabon, plusieurs journalistes ont été agressés et d’autres menacés de mort dans les jours qui ont suivi l’élection d’Ali Bongo à la tête du pays. Une demi-douzaine de médias ont, en outre, été fermés temporairement pour avoir fait état des violences post-électorales et critiqué les membres du nouveau gouvernement. Enfin, c’est bien l’élection controversée de Mahmoud Ahmadinejad en Iran qui a conduit à une vague de répression délirante contre les médias.

Les élections pluralistes, symboles de démocratie et de libre expression, peuvent tourner au cauchemar pour les journalistes. En période électorale, les médias d’Etat sont trop souvent empêchés de couvrir équitablement les activités des candidats, comme cela a été le cas lors de l’élection afghane controversée ou du simulacre électoral en Guinée équatoriale. Tandis que les journalistes les plus engagés s’exposent aux représailles du camp adverse. Lors du scrutin, l’accès aux médias n’est pas toujours respecté non plus, comme en ont témoigné les élections provinciales dans les zones tamoules du Sri Lanka.

Les problèmes les plus sérieux surgissent à l’annonce des résultats. Les partisans de Mahmoud Ahmadinejad, débordés par un mouvement d’opposition largement relayé sur Internet et dans la presse réformatrice, se sont lancés dans une répression ultra-violente contre des centaines de journalistes et blogueurs, accusés d’être des espions à la solde de l’étranger ou des agents de la déstabilisation.

Cette année, l’audace dont ont fait preuve les journalistes en périodes pré et post électorales a été sanctionnée par des détentions, des mauvais traitements et des peines de prison, pour certaines extrêmement lourdes. Ces scénarios répressifs d’après scrutin doivent inciter la communauté internationale à trouver les moyens de mieux protéger la presse après l’annonce de victoires bien souvent volées ou biaisées.

"En tout cas, cette vague de violences augure mal de l’année 2010 au cours de laquelle des élections clés auront lieu notamment en Côte d’Ivoire, au Sri Lanka, en Birmanie, en Irak ou encore dans les Territoires palestiniens", s’inquiète Reporters sans frontières qui mène régulièrement un travail de monitoring des médias en période électorale.

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Plus de cent blogueurs et cyberdissidents emprisonnés

Pour la première fois depuis l’apparition d’Internet, Reporters sans frontières recense près de 110 blogueurs, cyberdissidents et internautes emprisonnés dans le monde pour avoir exprimé sur le Web leurs opinions. Ce chiffre illustre la répression qui sévit sur le Net dans une dizaine de pays. Plusieurs Etats ont définitivement adopté une politique de criminalisation de l’expression en ligne, mettant à mal les espoirs d’un Internet sans censure.

Internet a été le moteur de la contestation démocratique en Iran, en Chine et ailleurs. C’est avant tout pour cela que les gouvernements autoritaires sont si enclins à punir sévèrement les internautes, comme ces deux blogueurs azerbaïdjanais condamnés à deux ans de prison pour avoir tourné en dérision les élites politiques dans une vidéo.

Si, en 2009, la Chine est restée le principal censeur d’Internet, l’Iran, la Tunisie, la Thaïlande, l’Arabie saoudite, le Viêt-nam et l’Ouzbékistan ont également eu recours aux blocages récurrents de sites et de blogs, et à la surveillance de l’expression en ligne. L’Internet turkmène demeure en outre sous contrôle total de l’État.

Cette année encore, des blogueurs et de simples citoyens s’exprimant sur le Net ont été agressés, menacés ou interpellés alors que la popularité des réseaux sociaux et des sites participatifs a pris davantage essor. L’Egyptien Kareem Amer est toujours détenu, tandis que le célèbre comédien birman Zarganar a encore 34 ans de prison à purger. Des figures de proue de la défense de la liberté d’expression sur Internet, notamment les Chinois Hu Jia et Liu Xiaobo ou les Vietnamiens Nguyen Trung et Dieu Cay, font partie de la centaine de victimes des policiers du Net.

La crise compte désormais parmi les thèmes susceptibles de provoquer des réactions de censure, en particulier sur la Toile. Ainsi, en Corée du Sud, un blogueur a été détenu à tort pour avoir commenté la situation catastrophique du pays. En Thaïlande, une demi-douzaine de net-citoyens qui ont été interpellés ou intimidés pour avoir évoqué la crise au sein du royaume. Le simple fait d’avoir mis en relation la santé du roi et la chute des cours de la Bourse de Bangkok, en a fait des cibles de choix pour les autorités. Enfin, à Dubaï, la censure a été imposée aux médias locaux quand ils ont dû relater l’effondrement du marché intérieur.

Les pays démocratiques ne sont pas en reste : alors que plusieurs États européens planchent sur de nouvelles mesures de contrôle de la Toile au nom de la lutte contre la pédopornographie ou le téléchargement illégal, l’Australie a annoncé son intention de mettre en place un système obligatoire de filtrage, dangereux pour la liberté d’expression. La justice turque a encore augmenté le nombre de sites Internet, notamment YouTube, censurés pour des critiques à l’encontre de la personnalité du premier président de la République, Mustafa Kemal Atatürk.

"D’une année sur l’autre, le nombre de pays touchés par la censure d’Internet a été multiplié par deux. Une tendance inquiétante qui illustre le renforcement du contrôle exercé sur les nouveaux médias alors que des millions de net-citoyens sont de plus en plus mobilisés sur la Toile. C’est pour mieux dénoncer cette criminalisation de l’expression sur le Net que Reporters sans frontières va organiser le 12 mars prochain une nouvelle mobilisation contre les Ennemis d’Internet", a affirmé Lucie Morillon, responsable du Bureau Internet et Libertés.

Les médias en procès

Au 30 décembre 2009, au moins 167 journalistes sont emprisonnés dans le monde. Il faut remonter au début des années 1990 pour trouver un nombre aussi important de journalistes emprisonnés dans le monde. Bien que le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression ait maintes fois répété que la prison était une peine disproportionnée dans une affaire de presse, de nombreux gouvernements maintiennent de telles sanctions dans la loi, et en abusent. Les peines infligées à des journalistes à Cuba, en Chine, au Sri Lanka ou en Iran sont tout aussi sévères que celles imposées à des auteurs de crimes de sang ou à des terroristes.

La prison et la violence sont encore trop souvent les seules réponses que les autorités offrent aux professionnels des médias. Ainsi, au Moyen-Orient, au moins une agression ou interpellation se produit chaque jour. En Irak, par exemple, plus de soixante journalistes ont été agressés ou interpellés en 2009. Dans les Territoires palestiniens, plus de cinquante journalistes ont été détenus par le Hamas à Gaza et par le Fatah en Cisjordanie. L’Afrique et l’Asie sont au coude à coude pour le nombre de journalistes détenus. On recense, en 2009, plus de dix cas d’arrestations au Niger, en Gambie et en Somalie, l’Érythrée se maintenant au rang de première prison d’Afrique pour les journalistes avec 29 confrères derrière les barreaux. En Asie, le nombre d’interpellations a heureusement diminué, mais les forces de sécurité chinoises ou pakistanaises continuent à interpeller des journalistes étrangers ou locaux quand ils dépassent les lignes rouges qu’ils sont “censés” respecter. Au Honduras, le coup d’État du 28 juin 2009, soutenu par la presse conservatrice, a donné lieu à une véritable traque des journalistes soupçonnés de sympathie envers le président renversé Manuel Zelaya, et à la suspension, voire à la fermeture, de leurs rédactions. Enfin, Cuba s’illustre encore cette année avec au moins 24 cas d’arrestations et deux nouveaux emprisonnements de longue durée, portant à 25 le nombre de journalistes incarcérés dans l’île.

Quand les puissants ne font pas arrêter les journalistes, ils les harcèlent par des plaintes en série devant les tribunaux. En Algérie, le directeur de publication Omar Belhouchet a reçu, à lui seul cette année, quinze convocations devant les juges. En Turquie ou au Maroc, la presse d’opposition est la cible de plaintes à répétition qui conduisent presque toujours à des condamnations ou des fermetures de médias, car les tribunaux penchent du côté du plaignant et non pas de la presse.

L’exil pour survivre

Pour la première fois, Reporters sans frontières inclut dans ce bilan annuel le chiffre des journalistes contraints de quitter leur pays suite à des menaces sur leur vie ou leur liberté. Ce ne sont pas moins de 157 professionnels des médias forcés de prendre les routes de l’exil, parfois dans des conditions très difficiles. L’exode des journalistes et blogueurs iraniens - plus d’une cinquantaine -, ou de leurs confrères sri lankais – pas moins de 29 cas recensés cette année -, a été massif. Sans parler de l’Afrique avec la cinquantaine de journalistes somaliens qui ont fui le chaos et la dizaine de reporters érythréens contraints de quitter leur pays de peur d’être la cible de représailles de la pire dictature du continent. L’exil de journalistes a également touché la Guinée, l’Afghanistan, le Pakistan, le Mexique, la Colombie ou encore l’Ethiopie.

Ce nouvel indicateur témoigne de la peur qui règne dans certains pays au sein de la profession. Sur le chemin de l’exil, les journalistes rencontrent de nombreuses embûches et leur futur est incertain. Beaucoup attendent des mois, voire des années, dans l’attente d’une protection et d’une hypothétique réinstallation.

2009 en chiffres

77 journalistes tués (+26% par rapport à 2008)
33 journalistes enlevés
573 journalistes arrêtés 1456 agressés ou menacés
570 médias censurés
157 journalistes ont fui leur pays
1 blogueur mort en prison
151 blogueurs et Net-citoyens arrêtés
61 agressés
60 pays touchés par la censure d’Internet

Classement mondial 2009

(source rsf)

L’Afrique

Entre crises politiques et violences, les journalistes africains à la merci de l’instabilité du continent.

La Corne s’enfonce, Madagascar et le Gabon chutent, le Zimbabwe progresse.

Cette année encore, la Corne de l’Afrique a été la région du continent la plus touchée par les atteintes à la liberté de la presse. L’Erythrée (175e), où aucun média indépendant n’est toléré et où trente journalistes sont emprisonnés, soit autant qu’en Chine ou en Iran, malgré une population infiniment moins nombreuse, se maintient au dernier rang mondial, pour la troisième année de suite. Quant à la Somalie (164e), qui se vide progressivement de ses journalistes, elle est le pays le plus meurtrier du monde pour la presse, avec six professionnels des médias tués entre le 1er janvier et le 4 juillet.

L’année 2009 a confirmé que, dans certains pays africains, la démocratie repose sur des bases solides et que le respect des libertés y est garanti. Dans d’autres pays, en revanche, les crises politiques et l’instabilité ont porté des coups très durs au travail des journalistes et des médias.

A Madagascar (134e) par exemple, qui perd cette année quarante places, les médias ont été pris au piège de l’affrontement entre le président déchu Marc Ravalomanana et le président de la Haute Autorité de transition, Andry Rajoelina. Censures, saccages et désinformation ont été à l’origine de la dégringolade de l’île, où un jeune journaliste a été tué alors qu’il couvrait une manifestation populaire. Au Gabon (129e), le black-out médiatique instauré par les autorités sur l’état de santé d’Omar Bongo avant sa mort et le climat délétère entourant l’élection présidentielle du mois d’août ont sapé le travail de la presse. Le Congo (116e) enregistre un recul de vingt-quatre places, principalement en raison de la mort encore mystérieuse du journaliste d’opposition Bruno Jacquet Ossébi et du harcèlement subi par plusieurs correspondants de la presse étrangère lors du scrutin présidentiel du 12 juillet. Enfin, si en Guinée (100e) la situation a pu sembler relativement calme au cours de l’année, les événements tragiques du 28 septembre et les menaces explicites adressées actuellement aux journalistes par les militaires nourrissent de vives préoccupations.

Certaines transitions ont été moins préjudiciables à la liberté de la presse. L’élection du général Mohamed Ould Abdel Aziz en Mauritanie (100e) s’est déroulée sans incident majeur pour la presse, même si l’incarcération d’un directeur de site Internet entache l’image du pays. En Guinée-Bissau (92e), les assassinats du chef d’état-major des forces armées puis du président Joao Bernardo Vieira ont certes entraîné la coupure temporaire de quelques médias et provoqué la fuite de plusieurs journalistes inquiétés, mais le recul reste mesuré.

Les Etats où la violence fait rage stagnent dans le dernier tiers du classement. Le Nigeria (135e) et la République démocratique du Congo (146e) vivent au rythme des agressions et des arrestations arbitraires. A Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, deux journalistes de radio ont été assassinés.

En raison d’un renforcement du contrôle de l’information à l’approche des élections de 2010 - suspension temporaire de médias locaux et internationaux, condamnation de journalistes à des peines de prison -, le Rwanda (157e) n’en finit pas de sombrer. Il vient talonner le "Koweit de l’Afrique", la Guinée équatoriale (158e), où le seul correspondant de la presse étrangère a passé près de quatre mois en prison pour "diffamation"

En Afrique de l’Ouest, Mamadou Tandja et Yahya Jammeh, les chefs d’Etat nigérien et gambien, se sont disputé la plus mauvaise place. Celle-ci revient finalement au Niger (139e), qui perd neuf places, alors que la Gambie (137e) paye, une fois de plus, l’intolérance de son Président, lequel n’a pas hésité à envoyer en prison les six journalistes les plus réputés du pays avant de multiplier les insultes et les provocations publiques à leur égard.

Au Zimbabwe (136e) semble enfin se desserrer l’étau qui pesait sur la presse. L’enlèvement puis l’incarcération scandaleuse, pendant de longues semaines, de l’ancienne journaliste Jestina Mukoko, ternit le tableau, mais l’annonce par le gouvernement d’union nationale, cet été, du retour de la BBC, de CNN et du quotidien indépendant The Daily News est évidemment porteur d’espoir.

Enfin, le peloton de tête reste le même qu’en 2008, avec le Ghana (27e), le Mali (30e), l’Afrique du Sud (33e), la Namibie (35e) ou encore le Cap-Vert (44e) parmi les cinquante premiers pays les plus respectueux de la liberté de la presse. Fort d’une alternance démocratique réussie avec l’élection, en janvier 2009, de John Atta-Mills, successeur de John Kufuor, le Ghana a ravi la première position africaine à la Namibie, où une journaliste sud-africaine a dû passer une nuit en garde à vue avant d’être relâchée contre le paiement de deux cautions.

Les Amériques

Le Cône sud rejoint le Nord et l’Amérique centrale plonge

Le processus d’adoption d’une “loi-bouclier” protégeant le secret des sources au niveau fédéral est loin d’être achevé aux Etats-Unis (20e). Mais le temps n’est plus aux emprisonnements de journalistes ou aux entraves aux libertés publiques au nom de la sécurité nationale, comme sous l’ère Bush. Le pays a donc retrouvé la tête du classement, en phase avec le véritable rôle de contre-pouvoir qu’y joue traditionnellement la presse.

L’autre évolution à retenir concerne évidemment le Honduras (128e), déjà mal classé, où la liberté de la presse a payé un lourd tribut au coup d’État du 28 juin 2009. Prédateur de médias qui n’ont pas ses faveurs, le gouvernement putschiste a déployé une véritable stratégie de “black-out“ de l’information au détriment de la presse internationale. Toujours en Amérique centrale, l’insécurité régnante minait déjà un pays comme le Salvador (79e), où les Maras ont sévi contre la presse avant l’assassinat du documentariste Christian Poveda (intervenu après la période du présent classement). Elle prend un tour alarmant au Guatemala (106e). Au Nicaragua (76e), les tensions entre la presse et le gouvernement de Daniel Ortega expliquent pour partie un classement inférieur à celui de l’année précédente.

L’autre recul important concerne le Venezuela (124e), qui compte un journaliste assassiné dans un contexte d’insécurité élevée, et où le gouvernement d’Hugo Chávez modifie en permanence les règles pour éliminer progressivement toute presse critique du paysage audiovisuel hertzien. La confiscation inopinée, en août 2009, des fréquences de 34 chaînes et stations régionales, répond directement à cet objectif. Le pays, déjà mal en point dans le classement précédent, se range parmi les pays les plus mal notés du continent en matière de liberté de la presse, pas loin de la Colombie (126e) et du Mexique (137e ex-aequo). Dans ces deux pays, la violence ambiante, génératrice d’autocensure et de sujets tabous, doit aussi et beaucoup aux représentants de la force publique. Le Mexique, plongé depuis 2006 dans un quasi-état de guerre avec la vaste offensive fédérale contre le narcotrafic, garde son triste rang de pays le plus dangereux du continent pour la sécurité des journalistes, avec 55 tués depuis 2000, dont neuf depuis janvier 2009.

Seul Cuba (170e), inamovible dictature du continent où la liberté de la presse est inexistante, le dépasse dans les profondeurs du classement. Les maigres espoirs suscités par l’accession officielle de Raúl Castro à la présidence, en février 2008, sont bien vite retombés. Deux nouveaux emprisonnements, portant à vingt-cinq le nombre de journalistes détenus dans l’île, des blocages réguliers de sites et des interpellations de blogueurs témoignent plus généralement d’une absence d’évolution de la situation des droits de l’homme et des libertés.

Dans la Caraïbe, la République dominicaine (98e) perd encore des places en raison d’un indice de violence élevé et d’une aggravation des procédures abusives contre les médias. Sans avoir la même ampleur, ces deux facteurs, auxquels s’ajoutent des mesures de censure administrative et l’emprisonnement d’un journaliste, sont à l’origine du recul de l’Équateur (84e) où les agressions sont en hausse. La tendance s’est inversée en Bolivie (95e), qui remonte au classement après une chute très sévère en 2008. Si la “guerre médiatique” n’y est pas tout à fait terminée, le gouvernement a renoué peu à peu les fils d’un dialogue avec une presse qui a aussi sa part de responsabilité dans la crise politique de l’année précédente, surtout dans les départements administrés par l’opposition autonomiste. Longtemps détenteur du record des agressions ordinaires contre les journalistes, le Pérou (85e) remonte au classement malgré la récente fermeture d’un média sur ordre du gouvernement.

Traditionnellement marqués par l’insécurité et la précarité de la condition des journalistes, le Paraguay (54e) et Haïti (57e ex-aequo) remontent au classement. Dans les deux pays, la violence envers les médias a reculé et la presse ose davantage s’emparer de sujets sensibles. Le Guyana (39e ex-aequo) doit sa percée dans les hauteurs du classement, à quasi égalité avec le Surinam (42e), à un apaisement du climat procédurier et à la fin du boycott contre certains médias de la part de l’État, bien que celui-ci conserve son monopole sur l’espace radiophonique. L’habitude du pluralisme, la démocratisation du paysage médiatique et, parfois, la décrue de certains abus d’autorité et autres tentatives de censure justifient le très bon classement de l’Argentine (47e) et de l’Uruguay (29e), qui font jeu égal avec nombre de pays européens. L’Uruguay reprend même au Costa Rica (30e) le rang de pays latino-américain le mieux noté, devance le Chili (39e ex-aequo) et talonne la Jamaïque (23e) et Trinidad-et-Tobago (28e), où la presse demeure une institution respectée. Puissance régionale, le Brésil (71e) s’est enfin débarrassé, le 1er mai 2009, de la loi de presse héritée de la dictature militaire, et bénéficie des efforts engagés par le gouvernement Lula en matière d’accès à l’information. Malgré ces évolutions positives, le pays n’en a pas fini avec une violence persistante contre les médias dans les grandes conurbations et les régions Nord et Nordeste. La censure préventive reste tenace dans certains États où les autorités accaparent les médias locaux. Les poursuites assorties d’amendes exorbitantes concernent aussi le Canada (19e), qui perd quelques places, mais tient la première du classement à l’échelle du continent.

L’Asie

L’autoritarisme empêche l’amélioration de la liberté de la presse en Asie

En nette progression : les Maldives ; la plus grande dégringolade : les Fidji

Les coups de force politiques ont, cette année encore, porté un tort très fâcheux à la liberté de la presse. Un coup d’Etat militaire a ainsi fait chuter les Fidji (152e) de 73 places. Les militaires se sont installés pendant plusieurs semaines dans les rédactions pour censurer les articles avant publication et des journalistes étrangers ont été expulsés. En Thaïlande, l’affrontement sans fin entre "chemises jaunes" et "chemises rouges" a eu un effet très négatif sur le travail de la presse. Le royaume se positionne aujourd’hui à la 130e place.

L’autoritarisme des gouvernements en place, par exemple au Sri Lanka (162e) ou en Malaisie (131e), empêche les journalistes d’informer correctement sur des sujets sensibles comme la corruption ou les abus aux droits de l’homme. Le pouvoir de Colombo a fait condamner un journaliste à vingt ans de prison et contraint à l’exil des dizaines d’autres. En Malaisie, le ministère de l’Intérieur impose censure et autocensure en menaçant les médias de retraits de licence et les journalistes de séjours en prison.

La guerre et le terrorisme font des ravages et placent les journalistes dans une situation de précarité extrême. L’Afghanistan (149e) est miné par les nombreuses violences et menaces de mort des taliban, mais également par les arrestations non justifiées commises par les forces de sécurité. Tandis que le Pakistan (159e), malgré un paysage médiatique dynamique, est plombé par les assassinats de journalistes et l’agressivité des taliban et de certains secteurs de l’armée. Le pays partage avec la Somalie le record du monde de journalistes tués au cours de la période étudiée.

Les pays les moins respectueux sont, évidemment, la Corée du Nord, membre du "trio infernal" de fin de classement ; la Birmanie, toujours malade de la censure préalable et des emprisonnements ; et le Laos, dictature immobile où aucun média privé n’est autorisé.

En pleine évolution, notamment dans le domaine des médias, la Chine (168e) reste très mal classée en raison des emprisonnements à répétition, notamment au Tibet, de la censure d’Internet et du népotisme des autorités centrales et provinciales. De même, au Viêt-nam (166e), le parti unique a visé des journalistes, des blogueurs et des militants de la liberté de la presse pour leurs écrits sur les faveurs qu’il accorde à la Chine.

Au chapitre des bonnes nouvelles, les Maldives (51e), au bénéfice d’une transition démocratique réussie, ont gagné 53 places. De même, le Bhoutan (70e) a encore gagné quatre places grâce à de nouveaux efforts en faveur du pluralisme.

Les rares démocraties du continent occupent de très bonnes places. Ainsi, la Nouvelle-Zélande (13e), l’Australie (16e) et le Japon (17e) sont classés dans les vingt premiers. Le respect de la liberté d’informer et l’absence de violences ciblées contre les journalistes permettent à ces pays d’être leaders en Asie.

En revanche, la Corée du Sud (69e) et Taïwan (59e) ont chuté cette année. La Corée du Sud perd 22 places en raison de l’arrestation de plusieurs journalistes et blogueurs et les tentatives de contrôle des médias critiques par le gouvernement conservateur. A Taïwan, le nouveau parti au pouvoir a également cherché à influencer les médias publics et privés, et les violences commises par certains activistes nuisent à la liberté de la presse.

Deux nouveaux venus dans le classement 2009 sont issus du continent Asie-Océanie. La Papouasie-Nouvelle-Guinée (56e) à un rang tout à fait honorable pour un pays en développement ; et le sultanat de Brunéi (155e) est dans le mauvais tiers du classement en raison de l’absence de presse indépendante.

L’Europe et ex-URSS

Le modèle européen ébranlé, la Russie naufragée

Pour la première fois depuis 2002, le peloton de tête du classement mondial de la liberté de la presse n’est plus aussi européen. Seuls quinze des vingt premiers pays sont du "vieux continent", contre dix-huit en 2008.

Parmi eux, une écrasante majorité - onze-, sont membres de l’Union européenne (UE), à l’instar des trois meilleurs lauréats du classement, le Danemark, la Finlande et l’Irlande. Un autre Etat membre, la Bulgarie, depuis son adhésion en 2007, a poursuivi sa descente et se positionne à la 68e place (59e en 2008). C’est le plus mal classé des pays de l’Union. La Slovaquie enregistre, quant à elle, la plus forte baisse dans cet espace avec trente-sept places de perdues (44e). Une évolution essentiellement imputable aux conséquences de l’adoption, en 2008, d’une loi imposant un droit de réponse automatique, et à l’interventionnisme des autorités dans les activités de la presse. Parmi les pays candidats à l’adhésion, la Croatie (78e) et la Turquie (122e) perdent respectivement trente-trois et vingt places par rapport à l’année précédente.

Un constat qui s’applique également à la Bulgarie et à l’Italie (49e), pays le moins bien placé des six membres fondateurs de l’UE. Les pressions exercées par un Cavaliere à l’interventionnisme exacerbé, les violences de la mafia à l’encontre des journalistes qui exposent ses agissements au grand jour, ainsi que l’examen d’un projet de loi limitant drastiquement l’usage des écoutes administratives par la presse, justifient ce glissement. La France ne tire guère mieux son épingle du jeu. L’Hexagone se situe à la 43e place et enregistre une perte de huit points, conséquence non seulement des mises en examen, placements en garde-à-vue et perquisitions dans les médias, mais aussi de l’ingérence des autorités politiques, notamment du chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy.

Les pays les plus répressifs de la région, l’Ouzbékistan (160e) et le Turkménistan (173e), n’ont pas connu de changements sensibles, de même que leurs journalistes soumis à la censure, à l’arbitraire et aux violences. Le dialogue engagé avec l’Union européenne, notamment, ne semble pas porter ses fruits en termes de droits de l’homme et il est à craindre que la liberté d’expression ne fasse les frais de la course à la sécurité énergétique. L’Ouzbékistan et le Turkménistan sont deux Etats riches en ressources naturelles, et notamment en hydrocarbures.

La Russie (153e) voit sa position se détériorer et recule de douze points, passant pour la première fois derrière le Bélarus. Trois ans après l’assassinat d’Anna Politkovskaïa, les meurtres de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme permettant à la population d’être informée, mais aussi les violentes agressions de représentants de la presse locale, sont les raisons essentielles de cette dégringolade. Le retour en force de tabous, de la censure, mais aussi le triomphe de l’impunité pour les assassins de journalistes contribuent également à ce mauvais classement.

Dans l’espace post-soviétique, à l’exception de la Géorgie (81e), et, dans une moindre mesure, du Bélarus (151e), la dégradation de la situation de la liberté de la presse est quasi générale et les indicateurs sont au rouge. Minsk s’est engagée dans une relative et prudente libéralisation de ses relations avec la presse, dans le cadre d’un dialogue renouvelé avec l’Union européenne. Il est malaisé de prédire si ce frissonnement de surface a un futur ou s’il ne s’agira que d’un épisode sans lendemain. Quant à la Géorgie, sa remontée à la 81e place s’explique par l’absence de conflit pour la période retenue, même si les tensions politiques continuent d’avoir un impact sur l’activité des organes de presse. En Transcaucasie toujours, l’Arménie (111e) chute sensiblement, en raison des multiples agressions de journalistes observées et des crispations politiques qui pèsent toujours sur la société et sur les médias. Le voisin azerbaïdjanais ne connaît pas d’évolution, avec une situation de la liberté de la presse véritablement préoccupante, comme l’indiquent les résultats du monitoring de la couverture par la presse de la campagne pour l’élection présidentielle de novembre 2008, ainsi que l’interdiction de plusieurs radios étrangères (BBC, Radio Free Europe et Voice of America) sur décision du Conseil national de l’audiovisuel.

La détérioration de la liberté de la presse se confirme en Asie centrale. Une tendance qui affecte particulièrement le Kazakhstan (142e) et le Kirghizstan (125e) qui régressent tous deux de plus de quinze places. Le géant gazier de la région s’est distingué par la multiplication des poursuites à l’encontre de la presse indépendante ou d’opposition en renouant avec des pratiques bien connues, celles d’amendes phénoménales causant la fermeture des titres visés. Intimidations, violences contre des professionnels des médias, ainsi que la prorogation d’une loi assimilant les sites Internet à des médias traditionnels et les soumettant aux mêmes restrictions de couverture ont largement contribué à la très mauvaise place du Kazakhstan, la plus mauvaise depuis la création du classement de la liberté de la presse en 2002. Le Kirghizstan suscite de nombreuses inquiétudes après une recrudescence des agressions de journalistes, des intimidations ayant conduit certains à l’exil, une campagne électorale à la couverture partiale et des pressions exercées sur les radios étrangères qui doivent obtenir un accord préalable des autorités pour diffuser leurs programmes.

En Turquie, l’explosion des cas de censure, notamment contre les médias des minorités, principalement la minorité kurde, et la volonté de membres des institutions étatiques, de l’armée, ou de la justice, de conserver un monopole sur des questions d’intérêt général, expliquent cette dégradation. En Croatie, en lice pour une intégration prochaine à l’UE, un climat de tension persiste lorsqu’il s’agit d’évoquer les relations serbo-croates. Les journalistes qui transgressent ce tabou sont trop fréquemment victimes de violences. Les organisations criminelles de type mafieux sont elles aussi responsables d’atteintes à l’intégrité physique des professionnels des médias.

Le Maghreb et Moyen-Orient

Un continent encore plus mal noté… avec le plongeon d’Israël

Israël plombé par l’opération ’plomb durci’
C’est la première fois qu’Israël (territoire) ne se trouve pas en tête du classement de la liberté de la presse au Moyen-Orient, devancé par le Koweït et le Liban ! Si les médias israéliens sont connus pour leur grande liberté de ton et leurs enquêtes minutieuses sur des sujets sensibles, la censure militaire est toujours en vigueur. Les arrestations de journalistes (même israéliens), leur condamnation, voire leur déportation, justifient la chute d’Israël dans le classement. Israël (hors territoire) chute également du fait de l’opération « Plomb durci », au cours de laquelle l’armée israélienne a pilonné des bâtiments abritant des médias palestiniens. Pendant toute la durée de l’offensive, les médias étrangers et israéliens se sont vu interdire l’accès à la bande de Gaza.

L’Iran à la porte du trio infernal (172e)
L’Iran se situe désormais au seuil du « trio infernal » des pays les plus répressifs en matière de liberté de la presse. En 2009, la situation s’est considérablement détériorée avec la mort du blogueur Omidreza Mirsayafi dans la prison d’Evin et l’arrestation de la journaliste irano-américaine Roxana Saberi, puis la répression du mouvement de protestation qui a suivi la réélection de Mahmoud Ahmadinedjad, le 12 juin, à la présidence de la République islamique. De nombreux journalistes ont été arrêtés. Un véritable procès stalinien s’est ouvert à Téhéran, au cours duquel les droits élémentaires des accusés ont été bafoués, et continuent de l’être.

Le Yémen poursuit sa descente dans les profondeurs du classement (167e). Les journalistes font les frais de la politique de la terre brûlée menée par les autorités contre toute forme de séparatisme, au Nord contre la rébellion zaïdiste, mais aussi dans le sud du pays. Depuis mai, le gouvernement Saleh a réussi à réduire la liberté d’expression à une véritable peau de chagrin, imposant le silence sur les opérations militaires.

Même tendance à la baisse en Syrie (165e) où la situation de la liberté de la presse est très préoccupante, avec cependant un moindre recours aux violences physiques. L’étau de la répression se resserre de plus en plus, rognant les faibles espaces de liberté qui restaient aux médias indépendants ou d’opposition.

L’année 2009 a été marquée par un nouveau recul de la liberté de la presse en Libye (156e). Certes des journaux étrangers et arabes ont été autorisés à entrer dans le pays, mais la nationalisation des deux publications privées créées en 2007 par la société Al-Ghad, appartenant au fils de Mouammar Kadhafi, Seif Al-Islam, ainsi que la fermeture des bureaux de la chaîne Al-Libya constituent autant de nouvelles entraves à la liberté d’expression dans un pays qui la tolère mal.

La situation des journalistes en Irak (145e) a évolué car le danger n’est plus le même. Les menaces ciblées de milices ou organisations terroristes ont pour ainsi dire disparu. Les journalistes irakiens affrontent surtout l’hostilité des autorités ou d’hommes politiques qui interdisent aux médias l’accès à certaines zones. Les abus de procédure ou les poursuites en « diffamation » contre des journaux dénonçant des affaires de corruption sont devenus monnaie courante. Même les médias réputés progouvernementaux sont ne sont pas épargnés.

L’approche de deux scrutins majeurs a été marquée par une recrudescence des agressions contre les journalistes du Maghreb. En Algérie (141e), les procédures contre les médias se sont multipliées. En Tunisie, la chape de plomb du régime du président Ben Ali étouffe toute presse indépendante (154e).

Le Maroc poursuit sa chute, entamée depuis trois ans (127e). Le palais royal se crispe sur les ’lignes rouges’ à ne pas franchir, changeant de méthode pour museler la presse. Comme pour de nombreux autres régimes, l’arme financière devient le moyen privilégié de représailles contre des journalistes trop audacieux. La presse marocaine est davantage menacée par les amendes exorbitantes infligées aux rédactions que par les peines de prison.

Peu d’évolution, hélas, dans les pays du Golfe : l’Etat accapare le terrain médiatique avec l’absence quasi totale de presse indépendante, un monopole des familles régnantes sur la télévision, la radio, l’impression et la distribution des journaux, et une autocensure systématique.

Sur le même thème sur http://www.rsf.org/

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