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SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
24 février 2010

PORTRAIT:OLIVIER JOBARD " UN OEIL ENGAGE"

"Les sans-papiers sont une population qu'il faut intégrer intelligemment parce qu'ils ont beaucoup à nous offrir. Il est important de leur donner des moyens au lieu de les stigmatiser."O.J

Olivier Jobard est photographe à l'agence Sipa Press depuis 1992. Il travaille sur les problématiques d'immigration.

Portrait d'un photographe "citoyen du Monde":

"Je ne crois pas être meilleur qu'un autre », répète Olivier Jobard. Pourtant, à seulement 37 ans, le photographe de l'agence Sipa a su imposer sa marque dans le monde du photojournalisme.

Prix Paris Match du reportage photographique, World Press Photo 2005 ou Visa d'Or News.

Les prix s'accumulent, mais ce faux jeunot à l'œil acéré n'aime pas parler de lui.

« Je ne connais pas ma réputation. Et à vrai dire, je m'en fous. Seuls les sujets de mes photos comptent ».

Frôler l'Histoire:

En 1992, Olivier Jobard quitte prématurément l'École Nationale Supérieure Louis-Lumière où il étudiait depuis un an, pour entrer à l'agence de presse Sipa. «Une seule chose m'attirait depuis toujours : le photojournalisme ». Les débuts ne se révèlent pourtant pas grisants. « J'avais une mobylette et j'étais toujours disponible. Malheureusement mes missions se limitaient aux chats écrasés », raconte le journaliste, un sourire en coin. La banlieue sera le déclic. « Personne ne voulait le faire, mais ça me plaisait. » Déjà, la couverture de l'actualité n'est pas sa priorité. «C'est un travail stimulant, car on a l'impression de frôler l'Histoire. Mais après avoir couvert de nombreux événements éphémères, et au final sans grand intérêt, je me suis lassé », se rappelle-t-il. Sa volonté d'aller au fond des sujets le pousse irrémédiablement vers le documentaire.

La meute des journalistes. Son ambition : « Montrer ce que l'on n'a pas l'habitude de voir. Quitter lameute des journalistes. » Ainsi, il couvre le conflit du Darfour dès 2004. La même année, il est l'un des premiers photographes à entrer dans Falloujah, ville irakienne assiégée par l'armée américaine. Malgré tout, son thème de prédilection reste l'immigration, sujet approché en 2000, lors d'un reportage au centre de Sangatte (Pas-de-Calais). « J'y ai retrouvé les réfugiés de tous les conflits que j'avais couverts. Et c'était en France. Ça a déclenché tout le travail qui continue à m'occuper jour et nuit aujourd'hui », explique Olivier.

Kingsley, son oeuvre phare:

En 2004, il part en reportage au Cameroun avec une idée en tête : mettre un visage sur le mot immigré. Un sujet qui deviendra l'œuvre phare de son parcours. Pour cela, il rencontre Kingsley, un maître-nageur de 23 ans, candidat à l'exil vers l'Europe. « Ce n'était pas sa première tentative, il avait de l'argent et préparait déjà son voyage. Le projet était crédible ». Olivier met un point d'honneur à ne pas être le déclencheur du départ. Il tente de garder sa position d'observateur. Avec plus ou moins de succès. « Le simple fait d'être là modifie les comportements et les événements », déplore le photographe. Il finit même par accepter de garder l'argent de Kingsley. « C'était donnant-donnant. Il ne prenait pas le risque d'être volé. Moi, j'étais sûr qu'il me rappellerait si nous nous perdions de vue », détaille-t-il sans regret. Si la relation était basée sur un intérêt réciproque, elle a rapidement évolué. « Aujourd'hui, c'est un petit frère, à la mode africaine. Nous sommes liés à jamais par ce que nous avons vécu »,précise le journaliste, sans rentrer dans les détails.

Naufrage du bateau. Olivier Jobard a suivi Kingsley pendant son périple de six mois pour atteindre l'Europe. Six mois d'incertitude, d'épreuves et de risques. Les deux hommes traversent ensemble le Cameroun, le Nigeria, puis le Niger. Après avoir franchi le désert du Sahara, ils atteignent l'Algérie. Et enfin, le Maroc. Là, au bout d'une interminable attente, Kingsley embarque sur une frêle barque de passeurs de clandestins, pour atteindre les Canaries. Olivier l'accompagne. Sans aucune hésitation. « Le risque n'avait aucune importance. Ce genre d'occasion ne se refuse pas »,répète-t-il, toujours aussi impliqué, trois ans après le documentaire. C'est un échec. Le bateau chavire à moins de 300 mètres de la côte. Sur la plage, le journaliste prend trois clichés. « J'étais tremblant. Il faisait nuit noire. Mon appareil était couvert de sable. Mais je devais faire ces photos », explique-t-il en mimant la scène, marqué par less ouvenirs du naufrage. Et pour cause. Deux personnes sur les trente-cinq clandestins se noient ce jour-là. « On ne s'en est pas rendu compte tout de suite. Mais de toute façon, la question n'est pas: je fais une photo ou je sauve quelqu'un. Tout se passe trop vite. On ne réalise pas. »

Mourir dans les cinq minutes. Nouvelle tentative dix jours plus tard. Concluante, cette fois. Après dix-huit heures de mer, ils sont arrêtés par la Guardia Civil, à 10 miles des Canaries. « Dans le bateau, je n'ai pas vu le temps passer. On ne pense pas à ça lorsqu'on a de l'eau jusqu'aux genoux et qu'on pense mourir dans les cinq minutes », plaisante Olivier, avec ce détachement de façade qui le caractérise.

Kingsley dans un Klapisch. Kingsley, après être arrivé en Espagne puis en France, obtient un titre de séjour en 2005. Il tiendra même son propre rôle dans « Paris », un film de Cédric Klapisch, dans les salles le 20 février 2008. Olivier, lui, tient son nouveau sujet. Repartir avec un immigré clandestin. « Cette fois, entre l'Equateur et les Etats-Unis. »

Article tiré du blog dédié au photojournalisme:http://blog.cfpj.com/cfj/photopresse

Son travail est actuellement visible à Paris pour l'Exposition Exil-Exit?Vivre sans papiers en Europe, en collaboration avec Sipa Press et Médecins du Monde, du 4 au 21 Février 2010 à Bastille côté Arsenal, Paris (11ème).

http://www.exil-exit.fr/Vivre-sans-papiers-en-Europe

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