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SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
27 février 2010

HOMELIE:2EME LECON SUR LA PROVIDENCE

Transfiguration, Andrei Rublev,
Russia (1405).

l'homélie du curé

2ème leçon sur la Providence.


2ème Dimanche de Carême - Année C
28 février 2010
Lc 9, 28b-36

par Le Père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse Saint Louis d'Antin à Paris
Au 2ème dimanche de Carême, nous lisons le récit de la Transfiguration, qui nous reporte en arrière, avant les Tentations du 1er dimanche : la parole du Père, la voix qui se fait entendre depuis la nuée vient confirmer l’événement du baptême de Jésus qui précédait et déclenchait les tentations au désert. Jésus avait – non pas ‘reçu’ l’Esprit-Saint (au sens où il ne l’aurait pas eu avant en plénitude) mais il en avait assumé la manifestation visible, et, poussé par l’Esprit, suivant la volonté du Père, il était parti au désert.
A la Transfiguration comme au Baptême, la même voix se fait entendre : Tu es mon Fils. Voici mon Fils.

L’événement de la Transfiguration dont ont dit très justement qu’il vient préparer les disciples à la Passion – comme l’explique la Préface eucharistique : le Christ « révélait ainsi que sa Passion le conduirait à la gloire de la Résurrection » - commence par confirmer ce qui précède. Quelle que soit sa nouveauté, la Transfiguration n’est pas un événement isolé. Elle se situe dans une continuité.

C’est le propre de la prophétie : le rôle du prophète est autant d’annoncer les temps nouveaux que de rappeler leur origine. Le rôle du prophète est de rappeler l’Alliance passée avec nos pères, et la 1ère lecture de ce dimanche comme celle du précédent dimanche de Carême sont des textes fondateurs, de mémoire, à partir desquels un événement prend sens.

Cet ancrage de tout événement dans une suite, dans une histoire, va nous permettre d’avancer dans notre réflexion sur la Providence divine, pour comprendre que les événements ne sont pas des notes isolées, des sons épars, des bruits qui tombent. La Providence est une suite musicale, une symphonie divine.

Avec de jeunes couples, dont l’un se préparait au mariage, nous parlions du deuil. L’impact de la mort d’un proche dans un amour naissant. Comment se soutient-on mutuellement, comment se vient-on en aide l’un à l’autre ? C’est alors que l’une des jeunes femmes a raconté l’histoire de sa mère : une semaine avant son mariage, le fiancé se tue en moto. Il venait la rejoindre, et sur la route il meurt. La fiancée y a vu le signe que Dieu ne voulait pas qu’elle se marie, et elle est entrée au Couvent. Elle y restée au moins deux ans, ce qui lui a permis de faire son deuil, jusqu’à ce que des personnes de bon sens, son père en l’occurrence, avec l’accord de la mère supérieure, vînt l’en faire sortir en la voyant dépérir. Quelques années plus tard, elle se mariait, et c’est sa fille qui raconte l’histoire.

Mon fiancé est mort : c’est donc que Dieu ne veut pas que je me marie.
On vous donne un pot de café : c’est le signe qu’il faut que vous partiez au Costa-Rica ?

Chaque fois que nous cherchons à interpréter ce qui nous arrive, il conviendrait déjà que nous respections deux critères : un critère de continuité, pour ne pas donner à un événement isolé un sens qu’il n’a pas. Quels étaient les autres signes permettant à cette jeune femme de se croire appelée à la vie religieuse ? Sûrement pas son amour pour son fiancé.

Le deuxième critère est un critère de cohérence : quel est ce Dieu qui supprimerait le fiancé d’une jeune femme pour qu’elle devienne religieuse ?!

La Providence de Dieu est la manifestation visible de sa bonté, de sa présence et de son amour, quelles que soient les épreuves et les malheurs que nous pouvons connaître. Les signes de la Providence sont des signes de sa Bonté.

J’aime cette histoire vraie d’un fiancé non-catholique qui avait participé avec sa fiancée catholique à une journée de préparation au mariage, un dimanche dans une paroisse du XVème arrondissement (de Paris). Après la Catéchèse qui va bien, les couples de fiancés sont conduits à la messe, et là, stupeur pour notre bonhomme : l’église est pleine. Le fiancé incrédule a lui-même raconté au Curé qu’un mois plus tard il était revenu un dimanche au hasard à la même heure à l’église pour vérifier qu’il y avait autant de monde : il avait imaginé sur le moment qu’on avait fait venir des figurants pour les impressionner !

C’est une maladie de croire que les choses sont faites pour moi. Pas forcément de la paranoïa, qui n’est qu’un aspect délirant, de délire de persécution. Plutôt de l’égoïsme, on peut dire de l’égotisme (anglicisme) ou de l’égocentrisme, bref une propension nombriliste à évaluer les choses par rapport à soi. Elle est notre principale déformation de la Providence, avec pour conséquence : l’isolation des événements.

La Transfiguration vient conforter les disciples parce qu’elle confirme ce qu’ils avaient déjà entrevu.

Les premières manifestations de la divinité du Christ, dans l’évangile de Luc, avaient plongé les disciples dans l’effroi : devant la pêche miraculeuse, Pierre est terrifié. La Révélation de Dieu est nécessairement progressive, et c’est l’action de la Providence de nous conduire progressivement sur ce chemin de connaissance, et de confiance. « Est-ce maintenant que tu vas te manifester au monde ? » demandent les disciples qui s’impatientent. Et toute l’action de Jésus consiste à les accompagner, les protéger, et les rassurer sur ce chemin.

On trouve cela dans l’évangile de saint Jean, dans le grand discours d’Adieu de Jésus après la Cène : « J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, l'Esprit de vérité, lui vous introduira dans la vérité tout entière » (Jn 16, 12).

Allons plus loin dans la contemplation de cette scène de la Transfiguration.

Laissons de côté l’« entrevue », au sens d’une réunion concertée entre Jésus, Elie et Moïse, même si elle a lieu en présence de ses disciples : il les a amenés jusqu’à cette montagne, et Elie et Moïse ne s’y trouvent pas non plus par hasard. Ils apparaissent en même temps que la splendeur de Dieu, parce que c’est dans la splendeur de Dieu que nous découvrirons tout ce qui nous intrigue, tout ce qui nous fascine, et Moïse et Elie sont fascinants et autrement plus fascinants que la plupart des soi-disant grandes personnalités de l’Histoire : ils ont vu Dieu.

Laissons de côté cette entrevue accordée par le Christ aux deux plus grands des prophètes – vous imaginez bien que Jésus ne leur demande ni conseil, ni prière. Il est Dieu. Ils sont, en ce sens, des témoins modèles de ce que la voix du Père demande : « écoutez-le ».

Laissons de côté ce que les disciples ressentent dans un demi-sommeil : l’image est classique pour décrire ces états mystérieux de conscience propres aux apparitions : est-ce qu’on a rêvé ? C’est surtout l’entourage qui le pense ! Et ne cherchons pas plus à imaginer le fond sonore de cette splendeur : le chant des anges ! Les disciples sont comme les jeunes mariés au moment de la procession d’entrée dans l’église : ils n’entendent rien.

Soyons uniquement attentifs à ce que les disciples entrevoient de la Gloire de Dieu. Le mot le plus proche est celui d’une « audience divine » (c’est ce qui se passe avec la voix dans la nuée).

Cela fait maintenant vingt ou trente ans, vu mon âge, que des gens me racontent qu’ils ont été reçus en audience chez un Grand de ce monde. C’est un événement dans une vie, et des dizaines de personnes très différentes m’ont raconté de telles entrevues, ce qu’elles ont vécu quand elles ont été reçues en audience, qui au Vatican, en audience privée chez le Pape, qui à l’Elysée, dans des circonstances parfois décevantes, qui en Afrique du Sud chez Mandela, qui à Taizé avec frère Roger, qui avec Padre Pio, Marthe Robin, etc. etc.

Avec les Puissants de ce monde, c’est toujours flatteur, ça fait du bien à l’ego. Mais après, qu’ont-ils, qu’avez-vous découvert ? Que les gens les plus connus ne sont pas comme on les imagine ? Quelle aide, quel changement cela a-t-il été dans leur vie ? Parfois énorme ; parfois nul.

Dans la 2ème lecture, de saint Paul aux Philippiens, Paul dit que nous sommes « citoyens des cieux ». Je vous invite à demander et à avoir tous les jours audience avec le Seigneur. Je ne le vois pas toujours transfiguré ! Au contraire, je suis plutôt face au Crucifié, mort pour moi, pour nous, pour nos péchés. Cette entrevue, qui est la lumière et la condition d’éclairage de ma journée, ce point de départ à partir duquel les événements de la journée prennent sens, prend sa valeur dans sa régularité, jour après jour.

Dans la symphonie des temps, il y a des moments de grâce. Qui dépendent pour une large part des instruments que nous sommes. Pour le dire autrement, si nous voulons que la Providence de Dieu soit pour nous une symphonie musicale, il faut beaucoup travailler, - le solfège, c’est le catéchisme, et les fausses notes nos péchés. Tout est dans l’attention à la Partition – la Parole de Dieu - « écoutez-le », et au Maestro : l’Esprit-Saint.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 9, 28-36

Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier.
Pendant qu'il priait, son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante. Et deux hommes s'entretenaient avec lui : c'étaient Moïse et Élie, apparus dans la Gloire. Ils parlaient de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil, mais, se réveillant, ils virent la Gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Ces derniers s'en allaient, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est heureux que nous soyons ici ; dressons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu'il disait.
Pierre n'avait pas fini de parler, qu'une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu'ils y pénétrèrent, et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le. » Quand la voix eut retenti, on ne vit que Jésus seul.

Les disciples gardèrent le silence et, de ce qu'ils avaient vu, ils ne dirent rien à personne à ce moment-là.

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