MUSIQUE:BI-CENTENAIRE CHOPIN/NOCTURNES- PAR FRANCOIS CHAPLIN
Frédéric Chopin - Nocturnes
François Chaplin (piano)
2 CD Zig-Zag Territoires Harmonia Mundi. 4F
http://www.francoischaplin.fr/
Le 29 janvier 1849, le peintre Eugène Delacroix, passé en voisin chez Chopin, consigne dans son Journal les paroles du musicien : «Vous jouirez de votre talent, m'a-t-il dit, dans une sorte de sérénité qui est un privilège rare, et qui vaut bien la recherche fiévreuse de la réputation.»
Ces propos s'appliquent idéalement, aujourd'hui, au pianiste François Chaplin. Sagement et patiemment mûri, son jeu s'épanouit, la quarantaine venue, avec une autorité naturelle, une aisance libre et souveraine, qui sont le « privilège rare », en effet, de ceux qui savent attendre, se fortifier de leurs certitudes et de leurs exigences, sans se disperser ni se gaspiller dans les effets de mèche et de manches de la promotion médiatique.
Son enregistrement magistral des Nocturnes de Chopin domine le flot de nouveautés discographiques déclenché par cette année de bicentenaire, comme ces Nocturnes eux-mêmes surclassent toute la littérature pianistique engendrée, au début du XIXe siècle, par l'invention de l'Irlandais John Field, dépositaire officiel du label « nocturne ». « Comme les Mazurkas, les Nocturnes ne connaissent ni déchet ni traces de progrès, ce sont presque tous des chefs-d'oeuvre, depuis la vingtième année du compositeur jusqu'à sa mort », assurait naguère le compositeur André Boucourechliev, dans son Regard (amoureux) sur Chopin (1).
S'affranchissant de l'ordre chronologique habituel, François Chaplin commence son intégrale par les deux volets de l'opus 48, de 1841, dédié à Laure Duperré (à l'exception de l'opus 15, adressé à son confrère Ferdinand Hiller, Chopin ne dédie sa vingtaine de nocturnes qu'à des figures féminines, élèves ou muses de salon). Il a raison. Solennels et majestueux comme une ouverture à la française, ces treizième et quatorzième nocturnes nous hissent d'emblée à un sommet. Plus de miniature (comme dans les trois premiers nocturnes de l'opus 9), mais un ample développement quasi symphonique. Plus d'alanguissement voluptueux sur des cantilènes à la Bellini (comme dans les romances de l'opus 15 ou de l'opus 27), mais l'âpre gravité d'un choral religieux.
André Gide, qui gardait les partitions de Chopin à son chevet, ne s'y trompait pas : « La première erreur des virtuoses vient de ce qu'ils cherchent surtout à faire valoir le romantisme de Chopin, tandis que ce qui me paraît le plus admirable chez lui, c'est la réduction au classicisme de cet indéniable apport romantique. » Par-delà les joliesses ornementales, les arabesques graciles, le piano de François Chaplin (un Yamaha minutieusement réglé, aux graves moelleux) magnifie ces vertus classiques d'équilibre et de clarté : fermeté palladienne de l'architecture, vaillance apollinienne du phrasé.
Au moment de publier ses Etudes, Debussy demandait à son éditeur d'y ajouter en exergue le nom de Frédéric Chopin, «cet admirable devineur ». C'est aussi en «devineur » que François Chaplin perce les secrets et les énigmes de ces Nocturnes racés. Mieux : en prince charmeur.
Gilles Macassar
Telerama n° 3142 - 03 avril 2010
François Chaplin (piano)
2 CD Zig-Zag Territoires Harmonia Mundi. 4F
Telerama n° 3142 - 03 avril 2010
Chopin : Nocturnes | François Chaplin, piano - Télécharger et écouter l'album
François Chaplin
Merci à François Chaplin qui a gentiment accepté de répondre à quelques questions pour la réalisation de cette page."Pas de musicien professionnel dans la famille, mais des peintres du côté paternel (j'avais une tante Elisabeth Chaplin dont certaines de ses toiles sont exposées encore au Musée Pitti à Florence et un arrière-arrière-grand-père peintre qui se nommait Charles Chaplin ."
"Je suis heureux d'être invité à l'Automne 2004 à Moscou pour donner ...l'intégrale de la musique pour piano de Debussy en 3 ou 4 concerts + une masterclasse sur la musique Française au conservatoire Tchaïkovsky ; je suis invité également pour une tournée à St Peterbourg (avec au programme Scriabine- Debussy- Schumann) et dans les villes voisines en 2004. Le public Russe est très mélomane, éduqué , exigeant et tellement chaleureux !".
Il joue aussi dans beaucoup d'autres continents, ainsi en Asie notamment à Tokyo qui offre de "magnifiques salles de concerts, souvent avec beaucoup de bois et donc dotées d'une acoustique magnifique" (Et comme François Chaplin adore la cuisine japonaise et le public japonais "souvent très passionné", ces voyages sont pour lui source d'un grand plaisir) .
Il a remarqué que certains membres de jury préfèrent un jeu pianistique plus ou moins aseptisé, avec un son plus ou moins impersonnel, plutôt que de choisir une réelle personnalité. Il précise cependant que pour l'entrée au CNSM de Paris ou Lyon (dont il est jury) cela est un peu différent car "on cherche surtout à prendre des étudiants très solides et si en plus ils ont une personnalité, tant mieux! c'est aussi cette solidité qui fait que le CNSM ou le CNR-supérieur- de Paris sont d'excellentes écoles, reconnues dans le monde et moi-même, je suis très heureux d'avoir obtenu un 1er Prix au CNSM de Paris dans la classe du Bulgare Ventsislav Yankoff; un concours International devrait permettre à un jeune musicien , vraiment talentueux, de se faire connaître mais je constate que ce n'est pas toujours le cas".
En France c'est d'abord au Musée d'Orsay à Paris qu'il est invité à donner son Intégrale, en 3 concerts les 30/11, 2 et 7/12, à l'occasion de " l'Anniversaire RIMBAUD " ; puis dans plusieurs grandes villes de France (Grenoble, Toulouse, …).
Son choix varie beaucoup en fonction de ses humeurs, d'une lecture, d'un déchiffrage, d'un voyage : "un exemple, au cours d'un voyage en Russie il y a 5 ans, j'ai découvert la partition des Mazurkas de Scriabine dont je suis tombé amoureux et j'ai enregistré par la suite l'intégrale."
"j'adore la musique de chambre mais avant de jouer en concert, j'apprécie de pouvoir répéter plusieurs fois ensemble, échanger nos idées , partager des moments amicaux, autour d'une bonne table par exemple ! Parfois, certains musiciens préfèrent répéter une seule fois mais le public perçoit la différence, j'en suis sûr. Je joue régulièrement avec François Salque, violoncelliste du quatuor Ysaïe, le clarinettiste Romain Guyot , le quatuor Debussy, etc.