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SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
13 mars 2010

HOMELIE:4EME LECON SUR LA PROVIDENCE

édito
du Dimanche 14 mars 2010

4ème Dimanche de Carême
Année C

Le Père miséricordieux

filsprodigue_arcabas

Le fils prodigue - Arcabas

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 15, 1…32(à lire après l'Homélie)

Quel est le plus bel instant de cette parabole ?

N’est-ce pas lorsque le Père et le fils tombent dans les bras l’un de l’autre ? Sans doute tombent-t-ils également en pleurs l’un et l’autre.

Le Père miséricordieux serre dans ses bras le fils prodigue qui reçoit le baptême des larmes. Des larmes de repentir et de joie tout à la fois.

Le Père dont le cœur est toujours ouvert à la misère de ses enfants que nous sommes, tel est le Dieu de Jésus-Christ : Vie, tendresse, amour et pardon, mais justice aussi.

Ainsi Charles Péguy a-t-il pu écrire :
« De toutes les paroles de Dieu, c’est celle qui a éveillé l’écho le plus profond. C’est la seule que le pécheur n’a jamais fait taire dans son cœur.
Ainsi elle accompagne l’homme dans ses plus grands débordements.

C’est elle qui enseigne que tout n’est pas perdu. »

Abbé Yves Rozo

l'homélie du curé

4ème leçon sur la Providence.
4ème Dimanche de Carême - Année C
Dimanche de "Laetare - Réjouissez-vous !"

14 mars 2010
Lc 15, 1-3. 11-32

par Le Père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse Saint Louis d'Antin à Paris

- Qu’est-ce qui fait que ça marche ou que ça va marcher entre deux personnes ?
- Vous voulez dire dans un couple ?
- Pas seulement : entre deux associés. Entre deux amis. Entre un père et son fils. Entre Dieu et chacun de nous.
- Ben d’abord, qu’ils se parlent.
Nous sommes bien d’accord sur ce point, c’est même le seul qui fasse l’unanimité, et je le répète docilement à tous les fiancés que je rencontre, comme je le dis à tous les gens qui prient : est-ce que vous écoutez Dieu autant que vous lui parlez ?

On peut re-lire la parabole du fils prodigue sous l’angle de cette mauvaise communication, comme tout récit de situation pécheresse. Mais je vous ai proposé pour ce Carême de voir les choses de plus haut, et de réfléchir à la Providence.

Qu’est-ce qui fait que ça marche entre deux personnes ? – est une excellente question pour entrer plus avant dans le mystère de la Providence, si vous voulez bien entendre la réponse suivante : que chacun attende de l’autre, et attende au sens fort : demande à l’autre ce que l’autre peut lui donner. Et cela dans les deux sens. Dieu est Celui qui est prêt à tout donner de Lui-même : Il nous le montre et nous le donne en Fils. Dans la parabole, le père est prêt à donner tout ce qu’il a, puisqu’il donne déjà l’héritage, comme il est prêt à laisser toute fierté pour supplier l’aîné. Mais, à chaque fois, ce n’est pas ce que l’autre veut : qui une vie de plaisirs, qui le plein d’honneurs.

Pourtant, aucun fils n’est dispensé de donner à son père. Obéissance quand il est petit, respect quand il est grand. Et soutien quand le père est vieux.

Passons sur le fait qu’on n’a rien de tout ça dans cette parabole, parce que cette parabole n’est pas une parabole sur les enfants, ni d’ailleurs sur les pères, mais sur une relation d’amour ou plutôt une restauration d’amour, le pardon.

Dans la joie de ce dimanche (Laetare) de mi-carême, je voudrais partir d’un vieux proverbe qui dit que « la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a ».
Dans un livre étonnant, « l’Exégèse des lieux communs », paru en 1901, Léon Bloy en donne un commentaire plutôt incisif.
« L’Exégèse des lieux communs » de Léon Bloy est à l’image du « Dictionnaire des Idées reçues » de Flaubert, un essai de désencrasser un certain nombre de formules toutes faites, socialement marquées, qui encrassent la langue comme l’intelligence. La différence entre Léon Bloy et nombre d’auteurs aussi caustiques est qu’il est croyant, le contraire d’un nihiliste. Il est persuadé que derrière ces lieux communs se cachent des vérités à découvrir, et même une « Réalité divine » (il voit dans ces formules « un sombre miroir plein du reflet de la Face renversée de Dieu quand il se penche sur les eaux où gît la mort » - à propos de « chercher midi à quatorze heures », XXXIV).

Sous le titre « la plus belle fille du monde etc. », Léon Bloy raconte une histoire de la guerre de 1870, qu’il avait lui-même faite, l’histoire de francs-tireurs, pourchassés, terrifiés, épuisés, abandonnés de tous et mourant de faim. Ils finissent par se rendre sans gloire à une patrouille prussienne qui les avait encerclés. Se sachant condamnés à être fusillés, sans autre forme de procès, « le plus jeune de ces malheureux demanda pour toute grâce la faveur de manger un morceau de pain avant de mourir. Le chef prussien, personnage d’une laideur atroce, voulant prouver qu’il avait au moins de l’esprit, et même de l’esprit français, montra de la main les fusils du peloton d’exécution et dit ces mots, immédiatement suivis du signal de mort : ‘La blis chôlie fille ti monte né beut tônner qué ce qu’elle a’ … ».
Et Léon Bloy ajoute : « Quand un bourgeois me parle de la plus jolie fille du monde, je pense qu’on ne sait pas ce qu’est la mort et que ce pauvre enfant a peut-être encore faim depuis trente ans ».

Une exécution sommaire : voilà ce qui se serait peut-être passé dans la parabole de l’évangile si le fils perdu avait été accueilli par l’aîné. Une sanction terrible, voilà à quoi s’attendait le fils en rentrant, qui s’attendait à être jugé, ignorant la Miséricorde du Père, ignorant qu’elle est capable, elle, d’accueillir toute la misère du monde.

Nous ne comprenons pas la Providence de Dieu, parce que nous ignorons sa Miséricorde. Ou nous oublions la nécessité du Salut. Relisons cette parabole en regardant ce que ces deux fils demandent à leur père, comparé à ce que le père veut donner.
Voilà la question que nous devons nous poser : que demandons-nous à la Providence divine ? Que demandons-nous au Gouvernement divin ? De satisfaire nos désirs ? De féliciter nos mérites ? Ou de purifier notre cœur ? Pour reconnaître la réalité de la Providence de Dieu, encore faut-il que ce que l’homme cherche corresponde à ce que Dieu donne. Que le projet de l’homme rencontre le projet de Dieu, et en l’occurrence son Salut.

On pourrait imaginer un dessin humoristique, façon Sempé, où l’on verrait la maison familiale située sur le haut d’une colline, au centre du dessin, avec, à gauche de la maison, le père attendant son fils devant la maison sur la route, et à droite, de l’autre côté de la maison, le fils prodigue revenant à la maison par une autre route ! Et personne qui l’attende, ni l’accueille… Sauf que nous savons qu’il y a un seul Chemin qui conduit à la Maison du Père, qui est le Christ lui-même.

Le drame de la fausse-providence, faute de meilleure dénomination, est dans les chemins qui se croisent sans jamais se rencontrer : tous ces gens qui viennent voir Dieu pour demander du succès, de l’argent, un bien-être, qui utilisent Dieu comme un Distributeur de bienfaits.
L’humanité aujourd’hui ressemble à un dessin animé où chacun des protagonistes creuse un tunnel pour traverser une montagne, la montagne du péché, mais les deux tunnels sont parallèles et ne se rencontreront jamais.

Qu’est-ce qui fait que ça marche entre deux personnes ? Entre Dieu et moi ? Que chacun demande à l’autre ce que l’autre peut et veut lui donner. Dans les deux sens. La Providence de Dieu est à l’œuvre lorsque, humblement, l’homme consent à entrer dans le projet de Dieu, fait confiance à la Miséricorde, pour implorer son Salut.

Ce qui m’amène à un autre regard sur la façon dont nos prières sont exaucées.

Lors d’une rencontre avec les prêtres du Diocèse de Rome, le Jeudi après les Cendres, le 18 février dernier, Benoît XVI a proposé une « lectio divina » consacrée à la mission du prêtre, à partir de trois passages de la Lettre aux Hébreux, et notamment celui où il est dit que « Jésus a prié, avec une violente clameur et des larmes, Dieu qui pouvait le sauver de la mort et qu'en raison de sa piété, il est exaucé » (cf. He 5, 7).
Ici, nous voudrions dire : "Non, ce n'est pas vrai, il n'a pas été exaucé, il est mort". Jésus a prié d'être libéré de la mort, mais il n'a pas été libéré, il est mort de manière très cruelle. C'est pourquoi le grand théologien libéral Harnack a dit : "Il manque ici une négation", il faut écrire : "Il n'a pas été exaucé" et Bultmann a accepté cette interprétation. Il s'agit toutefois d'une solution qui n'est pas une exégèse, mais une violence faite au texte. Dans aucun des manuscrits n'apparaît la négation, mais bien "il a été exaucé"; nous devons donc apprendre à comprendre ce que signifie cet "être exaucé", malgré la Croix. Je vois trois niveaux de compréhension de cette expression ».

« A un premier niveau, on peut traduire le texte grec ainsi : "il a été racheté de son angoisse" et en ce sens Jésus est exaucé. Ce serait donc une allusion à ce que raconte saint Luc, qu'"un ange a réconforté Jésus" (cf. Lc 22, 43), de façon qu'après le moment de l'angoisse, il puisse aller droit et sans crainte vers son heure ... Il aurait été exaucé, au sens où Dieu lui donne la force de pouvoir porter tout ce poids et il est ainsi exaucé. Mais, pour ma part, dit le Pape, il me semble que ce n'est pas une réponse tout à fait suffisante ».

Une deuxième explication est celle de la réponse différé, au sens où Jésus n’a pas été exaucé sur le moment, au moment de sa prière, mais il a été « exaucé de manière plus profonde » dans la Résurrection : « la vraie réponse de Dieu à la prière d'être racheté de la mort est la Résurrection et l'humanité est rachetée de la mort précisément dans la Résurrection, qui est la vraie guérison de nos souffrances, du mystère terrible de la mort ».

Et puis, il y aurait «  un 3ème niveau de compréhension » accessible en nous souvenant de la prière du Christ rapporté par saint Jean : « Mon âme est troublée ; que puis-je dire ? Père, sauve-moi de cette heure ou glorifie ton nom » (cf. Jn 12, 27-28), très comparable à celle du Mont des Oliviers : « Si cela est possible, sauve-moi, mais que ta volonté sois faite » (cf. Mt 26, 42. Mc 14, 36. Lc 22, 42). Et Dieu répond : « Je t'ai glorifié et de nouveau je te glorifierai » (cf. Jn 12, 28). La supplication du Christ ne porte pas sur sa souffrance, mais sur son sacrifice : qu’il soit exaucé. « La prière de Jésus a été exaucée, au sens où, réellement, sa mort devient vie, devient le lieu d'où racheter l'homme, d'où il attire l'homme à lui ».

Ces trois niveaux de compréhension sont applicables à la parabole : le retour du fils lève l’angoisse du père. Sauf que le père insiste : « mon fils était mort ». C’est le deuxième niveau : si le père a tant attendu, c’est parce que le fils était effectivement mort. Garder les porcs est comme une image du purgatoire. Il était mort et il a été racheté de la mort.

Le 3ème niveau de compréhension, le plus important, nous montre alors l’essentiel : ce n’est pas que les fils soient dans la Maison du Père, mais qu’ils y soient comme des frères. Le sacrifice du Christ ne vise pas à faire entrer les gens dans un lieu de culte : tous les Juifs allaient au Temple ! Mais qu’ils y aillent comme des frères. C’est ça, l’Eglise. Voilà le projet de Dieu, qui porte autant sur notre relation à Lui que sur nos relations entre nous.

Vous comprenez pourquoi le lieu de la réconciliation devient le festin, non pas familial – le fils aîné oublie le sabbat qu’ils fêtaient chaque semaine ! - mais l’Eucharistie, le festin des noces de l’Agneau, là même où la mort de Jésus devient Vie.

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Le retour du fils prodigue par Rembrandt

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 15, 1…32

Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l'écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! »

Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : "Père, donne-moi la part d'héritage qui me revient". Et le père fit le partage de ses biens.
Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu'il avait et partit pour un pays lointain, où il gaspilla sa fortune en menant une vie de désordre.
Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans cette région, et il commença à se trouver dans la misère. Il alla s'embaucher chez un homme du pays qui l'envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.
Alors il réfléchit : "Tant d'ouvriers chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici je meurs de faim ! Je vais retourner chez mon père, et je lui dirai : Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Prends-moi comme l'un de tes ouvriers."

Il partit donc pour aller chez son père.

Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut saisi de pitié ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit : "Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils..."
Mais le père dit à ses domestiques : "Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller. Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. Allez chercher le veau gras, tuez-le ; mangeons et festoyons. Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé." Et ils commencèrent la fête.

Le fils aîné était aux champs. A son retour, quand il fut près de la maison, il entendit de la musique et les danses. Appelant un des domestiques, il demanda ce qui se passait. Celui-ci répondit : "C'est ton frère qui est de retour. Et ton père a tué le veau gras, parce qu'il a vu revenir son fils en bonne santé".
Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d'entrer. Son père qui était sorti le suppliait. Mais il répliqua : "Il y a tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais quand ton fils que voilà est arrivé, après avoir dépensé ton bien avec des filles tu as tué pour lui le veau gras !"
Le père répondit : "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé." »

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