DEVOIR DE MEMOIRE:JOURNEE INTERNATIONALE DE REFLEXION SUR LE GENOCIDE AU RWANDA
De nombreuses photos ont été prises au Rwanda à l'époque du génocide, mais aucune n'était aussi emblématique que celle de Jim Nachtwey . Les machettes ont été une arme de choix au Rwanda, un outil agricole qui se trouve dans la plupart des ménages rwandais, elle était facilement accessible...
RWANDA 1994/800 000 MORTS...
"Pour que le Rwanda panse ses profondes plaies, il faudra que soient reconnues et commémorées toutes les victimes de la tragédie qui l’a frappé durant la dernière décennie du XXè siècle."Hervé Cheuzeville
Camp de réfugiés en Tanzanie, fin 1994.
Chronologie d'un massacre de masse devenu génocide...
Le 6 avril 1994, Juvénal Habyarimana, président hutu du Rwanda, est tué lors d'un attentat. Cet évènement déclenche le massacre de l'ethnie tutsi et des hutus modérés par les extrémistes du «Hutu Power». Le génocide rwandais fera 800 000 morts en 3 mois.
HISTORIQUE :
23 janvier 1993
Jean Carbonare, président de l'association "Survie" de retour d'une mission au Rwanda, témoigne de l'ampleur des massacres qui ont lieu dans ce pays en proie à une lutte fratricide entre les ethnies Hutu et Tutsi.
6 avril 1994
Juvénal Habyarimana, président hutu du Rwanda et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira (hutu), trouvent la mort lors d'un attentat.
7 avril 1994
Déclenchement des massacres de la minorité tutsi et de l'opposition hutu modérée par les extrémistes hutu à Kigali. Début de la fuite de la population vers les pays voisins.
8 avril 1994
La France lance l'opération Amaryllis destinée à évacuer ses ressortissants. Les soldats français ont pour consigne de ne pas intervenir dans les affrontements ethniques qui opposent les Tutsis et les Hutus.
Avril 1994
Les combats entre entre les forces gouvernementales du FAR (Forces Armées Rwandaises) composées de Hutus et le FPR (Front Patriotique Rwandais) composé de Tutsis font rage.
Les casques bleus de l'ONU quittent le pays
26 Mai 1994
Diffusion de "La vie en sursis" reportage réalisé au Rwanda par Jean-Christophe Klotz. Témoignages de Marc Vaiter, responsable d'un orphelinat, et du père Henri Blanchard. Tous deux cachent et tentent de protéger des Tutsis. Ils parlent de la situation effroyable dans laquelle se trouve le pays.
10 juin 1994
Les enfants réfugiés dans l'église du père Blanchard sont massacrés par les milices Hutus.
14 juin 1994
Le père Blanchard, de retour du Rwanda, témoigne de l'ampleur du génocide, véritable catastrophe humanitaire et évoque l'indifférence de la communauté internationale.
22 juin 1994
Le Conseil de Sécurité de l'ONU lance l'opération turquoise qui sera menée par les soldats français durant 3 mois.
4 juillet 1994
Les rebelles tutsi du FPR entrent dans la capitale Kigali. Les Hutus fuient vers les pays voisins par peur des représailles.
17 juillet 1994
Le pasteur Bizimungu, hutu modéré, est nommé président de la République et Paul Kagamé, chef des rebelles du FPR, devient vice-président.
Le génocide aura fait 800 000 morts.
Une épidémie de choléra sévit dans les camps de réfugiés hutus.
Découvrez aussi diverses sélections de documentaires audio : Rwanda-Burundi : Oradour Tropical, Un an après : Rwanda sous silence et Rwanda, paroles d'un génocide annoncé .
Source INA
TEMOIGNAGE:
Je N'ai Pas Pu Les Sauver Tous - Témoignage Marc Vaiter
Vidéo Envoyé Spécial : Marc Vaiter (reportage de fin 1994?)
Note personnelle : Marc Vaiter n'est plus mais ces images nous (dé)montrent qu'il suffisait d'avoir un peu de bonne volonté (les politiques en ont manqué) pour sauver tant d'innocents du génocide perpétré au Rwanda en 1994.
REFLEXIONS:
Le génocide du Rwanda par Alain Juppé et Hervé Cheuzeville
Monsieur Alain Juppé a était ministre des affaires étrangères de mars 1993 à mai 1995 sous le gouvernement d'Edouard Balladur (Président François Mitterrand)
Hervé Cheuzeville est l'auteur de “Chroniques africaines de guerres et d’espérance” et chargé de missions humanitaires en Afrique depuis 1989.
à lire dans l'article du 04 mars 2010: http://portier.canalblog.com/archives/2010/03/04/17121380.html
DOCUMENTAIRE:
Kigali, des images contre un massacre
réalisé par Jean-Christophe Klotz
RETROSPECTIVE/TEMPS MODERNES , 583, juillet-août 1995 Marc Le Pape*
INTERVIEW:
Jean Hatzfeld fait parler les tueurs rwandais
Ancien reporter à Libération, Jean Hatzfeld a quitté le journalisme pour se pencher exclusivement sur le génocide rwandais. Après Dans le nu de la vie, dans lequel il rapportait les récits des rescapés tutsis, il sort un nouvel ouvrage consacré cette fois aux tueurs des marais, Une saison de machettes. Jean Hatzfeld raconte ses entretiens avec les auteurs du massacre
Afrik : Pourquoi avoir choisi de donner la parole aux tueurs ?
Jean Hatzfeld : Après la sortie de mon premier livre, des lecteurs ont voulu connaître la position des tueurs. J’ai cherché à m’entretenir avec des tueurs depuis 1994 mais ce qu’ils disaient n’avait aucun intérêt. Innocent, un ami, celui qui a traduit les dialogues, m’a fait remarquer que les gens libres allaient nécessairement nier. C’est lui qui m’a suggéré de m’adresser à des prisonniers, déjà jugés et déjà condamnés. Il m’a aussi dit qu’il valait mieux parler à une bande de copains car leur solidarité les mettrait plus en confiance. Il m’a mis en contact avec une bande qu’il connaissait.
Afrik : Ont-ils facilement accepté de se livrer ?
Jean Hatzfeld : Ils ont hésité mais ont très vite accepté. D’abord, j’étais la première personne qu’ils voyaient qui n’était ni complice ni accusateur. Ensuite, comme j’ai pu le constater, aucun ne se rend vraiment compte de ce qu’il a fait. C’est pour ça qu’ils ont même accepté que leur photo soit publiée. Nous avons établi des règles de dialogue. Je les voyais un par un. Nous avions convenu que rien ne serait répété ni aux uns ni aux autres, ni même à leur famille ou aux avocats. Je distribuais leur courrier et faisais l’intermédiaire entre eux et leur famille, j’allais acheter pour eux les médicaments que l’infirmier du pénitencier leur prescrivait, leur donnait du savon, du dentifrice… Eux se sont engagés à ne pas mentir mais ils pouvaient refuser de répondre s’ils le souhaitaient.
Afrik : Est-il arrivé qu’ils refusent de parler ou bien qu’ils vous mentent ?
Jean Hatzfeld : Mentir ! Oui, ils ont parfois essayé de le faire. Mais je l’ai décelé facilement. D’une fois sur l’autre, le discours changeait. Au début, ils ont tenté de se défausser. Ils utilisaient un langage guerrier, ils parlaient notamment de « combats ». Je leur ai expliqué qu’ils ne pouvaient pas me mentir là-dessus. Il n’y a eu aucun combat. Les tueries n’ont eu lieu que dans un sens. Après, ils n’ont plus cherché à mentir. Par contre, ils parlaient de « travail » pour parler de l’extermination, de « terrain de foot » pour qualifier le lieu de rendez-vous où s’organisaient les tueries, de « couper » pour dire tuer, comme on coupe les bananes, avec une machette. Ils ont adopté ce vocabulaire qui leur était familier et qui dédramatisait leurs actes. Mais, dans l’ensemble, ils répondaient. Il y avait surtout des choses sur lesquelles ils avaient besoin de réfléchir. Lorsque je leur ai posé la question de savoir s’ils rêvaient des tueries, ils ne savaient pas bien. En fait, ils rêvent plus souvent de leur vie d’avant. Contrairement aux rescapés, ils ne rêvent pas tellement des massacres.
Afrik : Combien de temps vous a-t-il fallu pour recueillir ces témoignages ?
Jean Hatzfeld : Deux ans. Avec des allers et retours. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que j’avais besoin de retranscrire. Sur place, j’étais logé chez quelqu’un, sinon j’étais tout le temps avec du monde. Dans les cabarets, il y avait les familles des tueurs… Ce n’était donc pas un bon endroit pour travailler. En plus, je me suis aperçu que le recul suscitait de nouvelles questions. C’est en retranscrivant que m’est venue, par exemple, la question de la place de la religion dans le quotidien de ces tueurs. C’est comme ça que j’ai fini par apprendre qu’ils priaient en cachette.
Afrik : Comment avez-vous supporté de tels récits ? N’avez-vous pas eu envie de juger ces prisonniers ?
Jean Hatzfeld : Je gardais mes jugements pour moi. Je ne pouvais pas leur faire des reproches si je voulais continuer ce livre… Mais, à vrai dire, j’aurais aimé qu’ils craquent. Ça n’est pas arrivé. En revanche, les entretiens ne duraient jamais plus d’une ou deux heures. Autant les rescapés inspirent beaucoup de sympathie, autant on ne pouvait pas oublier ce qu’avaient fait ces tueurs. Le pire, c’est qu’on ne distingue chez eux aucun traumatisme. Seuls les enfants portent les séquelles de ces tueries. On ne recense en prison aucun cas de dépression, aucune tentative de suicide. Les voir si sereins et si calmes, c’était très éprouvant. Mais c’est difficile de juger. Comment des gens comme vous et moi se sont-ils mis à tuer ? Je ne pouvais pas trouver Pio, un des tueurs de mon livre, sympathique. Mais, avant cette tragédie, il a pu l’être. Les Hutus se sont comportés comme des monstres, méthodiquement... Qu’aurions-nous fait, nous ? Tout cela est incompréhensible.
Afrik : Est-ce pour cela que la communauté internationale n’a pas réagi ?
Jean Hatzfeld : Pour ce qui est du silence des Blancs, je n’ai aucune explication. Par contre, je crois que le silence des Africains vient de la dimension extraordinaire du génocide. L’Afrique a connu de nombreux conflits entre ethnies, mais elle n’avait jamais connu d’extermination. Du coup, beaucoup dénaturent le génocide. Certains croient en la culpabilité des Blancs. D’autres croient en une simple guerre civile. En Afrique, exterminer une ethnie est incompréhensible. Berthe, une rescapée du génocide, dit dans mon livre que « quand on ne veut pas croire, on ne voit pas » et vice versa. C’est juste. Ce n’est que maintenant que l’on commence à parler de ce génocide, soit dix ans plus tard. On a également parlé très tard du génocide juif. Le livre de Primo Levi n’a eu du succès que dans les années 70.
Afrik : Vous comparez souvent le génocide tutsi avec le génocide juif. Quelles analogies avez-vous constatées ?
Jean Hatzfeld : Dans mon premier livre, Dans le nu de la vie, j’avais remarqué que les rescapés de génocides se sentent toujours coupables. Ce qui n’est pas le cas des survivants d’une guerre classique. En discutant avec des tueurs, j’ai remarqué encore d’autres analogies. J’ai donc lu et relu beaucoup d’œuvres sur le génocide juif. Qu’il s’agisse du contexte, de l’organisation, de la préparation, de la mise en œuvre, les ressemblances sont frappantes. Un climat anti-tutsis règne depuis trente ans au Rwanda. La propagande s’est faite par le biais de la radio. Les organisateurs préparaient l’extermination depuis des années. Les Interahamwe (milices extrémistes créées par le président Juvénal Habyarimana, ndlr) ont préparé les Hutus à mépriser les Tutsis, à les dénoncer, puis à passer à l’acte…
Afrik : Les rescapés tutsis ont-ils vu dans votre démarche une possibilité de mieux comprendre ?
Jean Hatzfeld : Les Tutsis n’ont montré aucun intérêt pour les commentaires des tueurs. Ils n’ont pas cherché à savoir. De même, les prisonniers n’ont pas demandé quelle était devenue la vie des Tutsis rescapés. Tous veulent retrouver leur vie d’avant.
Propos recueillis par Nathalie Rohmer
Une saison de machettes, Récits, Editions du Seuil, 2003
CINEMA:
"Lignes de front" réalisé par Jean-Christophe Klotz
Seize ans après avoir couvert – ou tenté de couvrir – le génocide des Tutsi du Rwanda pour la télévision française, Jean-Christophe Klotz transpose son expérience au cinéma. A l’occasion de la sortie de Lignes de front, quatre ans après Kigali, des images contre un massacre, le réalisateur revient sur la façon dont ses deux films se complètent, sur sa recherche formelle et sur la réflexion qu’il poursuit autour du pouvoir de l’image.
à voir et à lire sur:http://portier.canalblog.com/archives/2010/04/06/17489717.html
TELEVISION:
D'Arusha à Arusha
Sortie au cinéma en décembre dernier sous le titre D'Arusha à Arusha (référence directe au film De Nuremberg à Nuremberg, de Frédéric Rossif), la version longue de ce documentaire diffusé sur ARTE explorait la notion de justice par le biais d'archives du tribunal, ainsi que de témoignages d'acteurs ou de victimes du génocide.
Au travers des plaidoiries et des arguments de défense, il interroge le choix du TPIR de ne juger qu'une partie du dossier (occultant les éventuels crimes de guerre commis par le Front patriotique rwandais, actuellement au pouvoir) et, plus largement, questionne la possibilité pour l'institution de juger de manière équitable et impartiale. Soixante ans après Nuremberg, les zones d'ombre et les limites du TPIR semblent contredire le mythe d'une « morale universelle » au-dessus des contingences politiques.
LIVRES:
Rwanda : les médias du génocide »de Jean-Pierre Chrétien(Cette dernière étude collective, qu'il a dirigée et réalisée aussi avec Reporters sans frontières, a été faite à la demande de l'UNESCO dont le conseil exécutif « exprimait sa préoccupation pour l'utilisation abusive qui est faite des moyens de communication de masse en vue de l'incitation directe et publique au génocide »)parution 2002 avec index
Rwanda : les médias du génocide
Voilà le livre qui manquait pour mieux comprendre le génocide perpétré au Rwanda en 1994. Après de nombreux ouvrages parus sur le sujet, celui-ci apporte les « preuves » : tout au long des 400 pages, s’accumulent les coupures de presse, les extraits d’allocutions radio, les caricatures, fruit d’un important travail de recherche.
Si la presse extrémiste touchait plus particulièrement les villes, la radio était le média le plus influent dans les campagnes. Certes Radio-télévision libre des milles collines (RTLM), qui a joué un rôle important dans les tueries, n’était pas une radio officielle, mais ses liens avec le gouvernement étaient incontestables. Elle utilisait le réseau d’émetteurs de Radio-Rwanda, ses studios étaient situés en face du palais présidentiel et elle bénéficiait de ses générateurs d’électricité en cas de problème d’approvisionnement, etc.
Les nombreux extraits choisis pour leurs caractères significatifs nous présentent le ton employé par cette propagande : haine anti-tutsi, promotion de l’extrémisme Hutu, culture de la violence… Pour les auteurs, « la forme la plus structurée du mensonge dans cette propagande est le recours à la victimisation globale et permanente. On tue au nom de la peur, de la résistance à l’oppression ou de l’autodéfense ». « L’étonnante bonne conscience qui a été relevée chez les acteurs des tueries s’explique largement par l’habileté avec laquelle la propagande raciste a amené des masses de gens à intérioriser les slogans de la haine. Peur et haine ont été distillées mois après mois, jour après jour. »
Au terme de leur démonstration, ils concluent : « Le génocide et les massacres politiques de 1994 au Rwanda ont été clairement annoncés par les médias extrémistes, et non moins clairement dénoncés par les journaux démocrates […]. Ce fut un génocide annoncé et revendiqué, et les textes que nous avons présentés en sont la chronique anticipée ou l’accompagnement médiatique. Les délations, les barrières, les machettes, les tortures et les meurtres, la mort, la haine et la cruauté sont présents dans les mots, dans les phrases, autant que suggérés entre les lignes de cette propagande. »
Un livre indispensable pour comprendre les fondements et les mécanismes du Hutu power qui ont conduit ce pays dans l’horreur et mieux dénoncer les logiques de haine qui sont malheureusement universelles.
L’Afrique des Grands Lacs,
deux mille ans d’histoire”,
Jean-Pierre Chrétien, Aubier, coll. historique, 2000.
Le défi de l'ethnisme : Rwanda et Burundi, 1990-1996,Jean-Pierre Chrétien, Paris, Karthala, 1997.
Deux références pour les férus d’histoire que ces ouvrages de Jean-Pierre Chrétien, l’universitaire jusque-là incontesté de la région des Grands Lacs même si sa prédilection le porte surtout vers le Burundi où il a plusieurs fois séjourné.
Le chercheur y entreprend l’histoire des royaumes anciens, Ouganda inclus puisque ce pays est comparé au Rwanda et au Burundi pour sa population de pasteurs et de cultivateurs, les fameux “hamites” et “bantous” stigmatisés par les colonisateurs allemands puis belges.
C’est aussi en Ouganda que les Tutsis se réfugièrent en masse dès les premiers massacres, formant une vaste diaspora qui s’armera pour rentrer dans son pays natal, où elle arrêtera le génocide. La géographie, les mythes royaux et pastoraux avec leurs rituels et leurs structures sociales, le contrôle des espaces par la conquête puis la gestion des territoires à travers l’économie traditionnelle féodale, y sont détaillés brillamment. Le second volume explique comment les sociétés rwandaises et burundaises se sont “ethnicisées” jusqu’à, pour le Rwanda, l’absurde horreur, l’irréparable.
Après les Arméniens dans la Turquie du début du XXème siècle puis les Juifs dans l’Allemagne nazie, l’Afrique a été gangrénée par le racisme jusqu’au crime d’Etat.
REMARQUE;JP Chrétien a était Témoin-expert auprès du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, il a aussi été entendu par :
- la commission d'enquête sénatoriale belge (1997);
- la mission d'information de l'Assemblée nationale française (1998);
- le Groupe de travail de l'Organisation de l'unité africaine (1999);
- Dans un entretien accordé à la revue Jeune Afrique, Jean-Pierre Chrétien se déclare comme un militant de la curiosité qui devrait être portée à l'Afrique. Dans un autre article, il s'attache à « mettre en valeur les problèmes des "usages publics de l'histoire" pour interroger tant la responsabilité et la position du chercheur face aux crises contemporaines (par exemple le génocide des Tutsi au Rwanda) que son rôle dans l’inflexion des grands débats de mémoire sur les crises du passé (par exemple sur la Shoah ou sur l’esclavage des Noirs) ». Par ses sujets de recherches le travail de Jean-Pierre Chrétien est donc confronté à des débats historiques et politiques, en particulier au sujet de l'histoire du Rwanda.
"Une saison de machettes"
Jean Hatzfeld fait parler les tueurs rwandais
Ancien reporter à Libération, Jean Hatzfeld a quitté le journalisme pour se pencher exclusivement sur le génocide rwandais. Après Dans le nu de la vie, dans lequel il rapportait les récits des rescapés tutsis, il sort un nouvel ouvrage consacré cette fois aux tueurs des marais, Une saison de machettes. Jean Hatzfeld raconte ses entretiens avec les auteurs du massacre
"Une saison de machettes"
Jean Hatzfeld fait parler les tueurs rwandais
Ancien reporter à Libération, Jean Hatzfeld a quitté le journalisme pour se pencher exclusivement sur le génocide rwandais. Après Dans le nu de la vie, dans lequel il rapportait les récits des rescapés tutsis, il sort un nouvel ouvrage consacré cette fois aux tueurs des marais, Une saison de machettes. Jean Hatzfeld raconte ses entretiens avec les auteurs du massacre
En 2003, son premier livre "KADAGO, enfants des guerres d'Afriques Centrale", publiée aux éditions l'Harmattan, relate son expérience avec les enfants victime de la guerre, tels que les enfants soldats.
En 2006, son second livre paru chez Persée Edition, "Chroniques africaines de guerres et d'espérance", est une série de chroniques rédigée sur le terrain entre 2003 et 2006.
Actuellement, Hervé Cheuzeville prépare son troisième livre, intitulé "Nouvelles chroniques d'un ailleurs pas si lointain", où il sera question, en grande partie, du Malawi, mais également du Prix Nobel de la Paix remis cette année à Barack Obama, ou encore de la désinformation dont est victime la Corse, comme l'Afrique.
“Le Pays aux mille collines, ma vie au Ruanda”, de Rosamond Halsey Carr, éditions Payot, 2005. |
Bien qu’elle se décrive comme “une petite fermière du Ruanda”, cette Américaine, venue s’installer au Kivu dans les années 50 où elle exploita des champs de pyrèthre et de fleurs, semble avoir vécu loin de toute réalité locale, influencée exclusivement par les prises de position de ses domestiques hutus qu’elle s’afflige – tout de même ! – de voir transformés en “démons” au moment du génocide. Son portrait, par exemple, de Juvénal Habyarimana : un homme “cultivé”, qu’elle eut la chance (sic !) de connaître personnellement ainsi que sa famille ; – “(…) d’une grande intégrité et qui avait de nombreux projets pour son pays.”
Rosamond Halsey Carr poursuit sa description “idyllique” de l’Etat d’Habyarimana des années 70/80 : “(…) l’enseignement pour tous fut instauré. Les collèges, lycées, universités se remplirent de jeunes avides d’apprendre.”
La narratrice semble ignorer les quotas qui limitaient l’entrée des Tutsis dans le supérieur. Ils sont pourtant cités quelques pages plus loin, à travers une allusion au scandaleux système des cartes d’identité à mention ethnique, instauré par les Belges en 1933 puis habilement utilisé par Kayibanda et Habyarimana qui se gardèrent bien de le supprimer afin de mieux stigmatiser les Tutsis. Madame Halsey Carr crée le doute sur le sens de ces pratiques : “A la fin des années 80 (sic !) (…) les citoyens furent contraints de détenir des cartes d’identité mentionnant leur ethnie. On prétendit que les systèmes de quotas visaient à restreindre l’accès des Tutsis au monde des affaires et du système éducatif.” Ignorance ou bêtise d’une femme qui semble ne s’être jamais véritablement intéressée aux événements politiques du pays auquel elle dit être si attachée.
Sa version de l’histoire récente du Rwanda reprend la sémantique des génocideurs : madame Halsey Carr baptise “armée d’invasion” les troupes du FPR qu’elle accuse de vouloir “restaurer la suprématie tutsie” et confie “partager l’indignation des Ruandais envers ces rebelles tutsis venus d’Ouganda qui avaient dévasté leur pays pacifique (sic ! l’auteur a pourtant assisté à des “chasses aux Tutsis” jusque dans sa propriété dès les années 60).
Pire encore : “Le monde entier parut fasciné par ces grands et beaux officiers anglophones interviewés depuis Kampala tandis que les pauvres Ruandais assiégés faisaient l’objet de critique pour ne pas avoir offert leur pays sur un plateau d’argent.” Enfin, même en août 1994, lorsqu’elle revient au Rwanda après s’être réfugiée aux Etats-Unis pendant le génocide, la plupart de ses domestiques hutus ayant pris la fuite, elle en conclut, par un étrange raccourci : “la grande majorité de ceux qui fuyaient ainsi n’avaient commis aucune atrocité. (…) Il y avait parmi eux tous mes voisins, mes ouvriers et leur famille.” Voilà comment parfois on écrit l’Histoire. La dame s’est peut-être racheté une conscience en créant, aidée par la Croix-Rouge, un orphelinat.
L’ouvrage est tout de même intéressant pour son amusante description de l’Afrique des Blancs des années 50 : un Rwanda parcourus d’éléphants et de toute une faune disparue, où l’on sortait l’argenterie pour les thés sous la véranda et où l’on se déplaçait parfois en chaise à porteurs. Imaginer Goma, au Congo, sillonnée de rues aux villas élégantes, épiceries fines et magasins affichant le chic parisien, me semble un rêve holliwoodien. L’auteur trace aussi un portrait mitigé de Diane Fossey, grande protectrice des gorilles contre les bergers tutsis, leurs “envahissantes” vaches et contre les braconniers.