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13 juin 2010

HOMELIE: Sainte Rita et le 50-50...

Bonifazio de'Pitati (Bonifazio Veronése) : Jésus chez Simon le Pharisien - Peinture italienne - Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

l'homélie du curé

Sainte Rita et le 50-50
11ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C
Dimanche 13 juin 2010
Lc 7, 36 – 8, 3

CHRISTIAN

par le Père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse Saint Louis d'Antin, Paris

Cette année la sainte Rita est tombée un samedi, qui plus est la veille de la Pentecôte. Je passais le week-end avec des familles catholiques, pour une petite récollection avec l’Esprit-Saint. J’ai une certaine réticence à parler de sainte Rita devant des familles parce que ce n’est pas une sainte pour les enfants. Qu’est-ce que c’est « une sainte pour les enfants » ? Blandine ? qui meurt martyre ? Félicité et Perpétue, dont parle le Canon romain, Agathe, Cécile, Anastasie – elles sont sept femmes à être mentionnées dont les vies ont été violentes. Même la petite Thérèse a vécu des choses que l’on préfère gommer. Pour sainte Rita, c’est pire au sens où elle a vécu ces difficultés dans nos deux milieux de prédilection : en famille et au couvent.
Je me souviens d’une toute petite dame, toute fragile - elle aurait pu s’appeler Marthe, qui était venue me voir après une homélie : « pourquoi est-ce que vous parlez de la violence du monde ? Il n’y en a pas suffisamment comme ça ? » C’est une bonne question. La réponse est que nous les enfants, nous sommes plus touchés par la mort d’un petit cheval que par un raz de marée. Et voilà pourquoi les rencontres au confessionnal sont plus éprouvantes que tous les journaux du monde.

Cela étant dit, je peux vous raconter cet appel téléphonique que je reçois d’une femme qui m’apparaît très vite en larmes. J’étais au secrétariat du presbytère, un lundi matin. Elle cherchait à retrouver le prêtre qui l’avait mariée quinze ans plus tôt, pour lui parler de la très grave crise dans son couple : « Mon mari est avec une autre femme ! Il m’a dit qu’il ne m’aimait plus ! Est-ce que c’est irréversible ? ». C’est la définition du désespoir, le sentiment d’une voie sans issue, avec l’impossibilité de retourner en arrière.
J’ai connu ça, toutes proportions gardées, l’espace d’un instant, avec une camionnette de location que j’avais garée dans une impasse pour un déménagement. Au moment de repartir, impossible de trouver la marche arrière : la panique ! J’ai été sauvé par la certitude qu’elle existait ! Qu’il y en avait une, forcément, mais le cauchemar c’est ça : entrer sans possibilité de sortie. C’est la définition de la tragédie : irréversible. Nous croyons, nous Chrétiens, que ça n’existe pas. Rien n’est irréversible, dans l’espace de notre liberté.

Il y a bien sûr des choses irréversibles, comme les dommages du temps. L’affaiblissement physique au fil des ans, quand notre corps rechigne et se flétrit de plus en plus : ça, c’est irréversible. Même si en fait, spirituellement, cela peut être une aubaine, quand on est forcé de se reconnaître dépendant, quand on apprend la pauvreté, l’humilité. Le temps est irréversible. L’autre irréversible, ce sont les dons de Dieu - les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables (cf. Rm 11, 29) – sans repentance. Pas ses sanctions (cf. Ezéchias), ses dons : Dieu ne reprend pas ce qu’il donne. Entre les deux, entre la marche du temps et l’éternité de Dieu, tout reste encore à jouer.

La situation de cette femme était un cas d’école. Son mari, celui qui avait pris une autre femme, qui avait trahi son engagement, qui avait manqué à sa fidélité, lui en imputait la responsabilité : « C’est à cause de toi que je suis allé voir ailleurs, à cause de toi : tu m’as trop fait souffrir ».

Le pire dans cette histoire, que cette femme m’a raconté, elle reconnaissait en effet qu’elle l’avait fait souffrir, parce qu’elle portait en elle une blessure qu’elle ignorait, un drame de son enfance dont elle n’était pas consciente. Il lui avait suffi de deux séances de psychothérapie – je vous le raconte très exactement comme elle me l’a dit -, pour découvrir son propre secret, en être libérée, et quarante huit heures plus tard, ironie du sort, elle découvrait l’infidélité de son mari. Et commençait le processus de rupture, d’autant plus terrible qu’aurait dû commencer une nouvelle étape de leur amour.

La situation de cette femme est un cas d’école au regard de la tentation de penser qu’elle portait la responsabilité de l’infidélité du mari. Souvent, nous nous disons devant de grandes déceptions : « C’est ma faute, j’aurais dû me méfier ».

Non. On ne se trompe jamais quand on fait confiance à quelqu’un. On ne commet jamais de faute quand on fait confiance : on en a l’obligation, c’est le commandement de l’amour.

Jésus n’a aucune responsabilité dans la trahison de Judas. Il aurait dû se méfier ? Blasphème.

On m’a toujours dit qu’à Paris, sur la place de l’Arc de Triomphe, le pire lieu de circulation au monde - comparativement à la beauté de l’endroit, son architecture, sa géométrie, le départ en étoile de toutes ces avenues, qui fait qu’elle est la Place de l’Etoile, et un cauchemar pour les automobilistes de province ou étrangers qui se demandent quelle priorité existe … Bref on m’a toujours dit qu’en ce lieu infernal, pour les Assurances, les responsabilités sont cinquante – cinquante : en cas de pépin, d’accrochage, les torts sont partagés.

Peut-être pour les Assureurs. Peut-être Place de l’Etoile. Pas dans un couple. Peut-être entre deux carrosseries ; pas entre deux personnes. Et c’est pourquoi il n’existe pas de cause désespérée : il suffit que l’un des deux tienne, et tienne bon.

Nous sommes de plus en plus sensibles, sous influence anglo-saxonne, à l’interactivité : au fait que je suscite une réaction chez l’autre, que je peux, par mon comportement, induire ou générer un mode de relation. C’est vrai. Mais il faut tenir une objectivité des faits.

C’est l’histoire de sainte Rita, la moitié de sa vie, ou sa vie avec sa moitié, dix-huit ans de vie commune avec une brute, un ivrogne ou un soudard, pour qui elle n’a cessé de prier, jusqu’à avoir le témoignage de sa conversion. Mariée contre son gré à l’âge de seize ans, elle qui voulait être religieuse, elle subit sa violence pour finalement perdre en peu de temps et son mari et leurs deux fils, des jumeaux, dans une probable sombre histoire de vendetta. Le mari avait dit quelques mots avant de mourir : il pardonnait à ses agresseurs et remerciait Rita de tout ce qu'elle avait fait pour lui. Rita assistait ensuite à la mort de ses deux fils, qui implorèrent également le pardon de leur mère.

Ce n’est pas l’attitude trop conciliante de Rita qui a fait de son mari un buveur et un violent ! Il l’était. Pas plus que ce n’est son malheur qui a fait de Rita l’avocate, la patronne des causes désespérées : c’est plus tard, au Couvent où elle finit par rentrer après bien des difficultés, que sa prière et son intercession furent connues de la population. Sa notoriété se répandit dans toute la région.

Avec pour conséquence la jalousie et la persécution dans son propre couvent ! Déjà que Rita n’était pas appréciée de sa Congrégation parce que c’était une pauvresse, une ancienne femme mariée, de basse extraction, vous imaginez à quel point ce fut exaspérant pour les autres religieuses de sa communauté d’entendre de la part des visiteurs : « non, non, pas vous, ma sœur, c’est Rita qu’on voudrait voir ». Sous-entendu : elle, elle est sainte, pas vous. Merci bien. Est-ce que vous diriez pour autant qu’elle était responsable de la jalousie qu’elle suscitait ?

Il y a un passage très dérangeant de la Bible, où Dieu se lamente de ce reproche qui lui est adressé : Vous dites : le comportement du Seigneur est étrange … Ecoutez, fils d’Israël, ce n’est pas moi qui suis étrange, c’est vous. On retrouve le même raisonnement dans la parabole des ouvriers de la dernière heure : vas-tu me regarder avec un œil mauvais parce que moi je suis bon ?

La sainteté de Rita vient du fait qu’aucun de ses malheurs, aucune de ses souffrances ne l’a amenée à pécher. Le défi posé ou lancé à Job est le défi du péché : la souffrance donne-t-elle le droit de pécher ? L’évangile de ce dimanche nous donne la clé de sortie.

Imaginez que cette rencontre se fasse après la mort. Le repas est déjà le banquet du Royaume. Simon est mort, en bon Pharisien. Mais la femme, en pleurs, a eu non pas une mauvaise vie, mais une mauvaise mort : elle s’est suicidée. Vous connaissez tous de ces drames. Et Simon réprouve sa présence au Banquet des Noces. Vous connaissez aussi cela.

Que dit le Christ ? Dit-il à la femme : « ta souffrance te donnait le droit d’attenter à la Vie ? » Sûrement pas. Elle a fait une folie. Dont Dieu seul est Juge. Nous ne saurons rien de la réparation qui lui sera demandée : ce n’est pas parce qu’elle est acquittée, absoute – tes péchés sont pardonnés – que la peine disparaît : elle ne repart pas en riant ; elle sait ce qu’elle a fait. Sa faute est pardonnée, mais la peine demeure. Et justement, c’est ce que Dieu est en droit d’attendre des Justes, comme Simon, qu’ils viennent en aide à leurs frères et sœurs tombés dans le péché.

Toute sa vie, Rita a prié pour la conversion de son mari. Ses prières n’ont pas cessé quand il est mort. Si nous avions davantage le sens du Purgatoire, c’est-à-dire de la Miséricorde de Dieu, une vraie Miséricorde, pas un pardon automatique, eh bien, nous serions moins dans le jugement, les uns à l’égard des autres, et plus en prière.


Père Christian Lancrey Javal
curé de Saint-Louis d'Antin


Vitrail, église de Rennes-le-Château (Aude)
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 7, 36-50; 8, 1-3

Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. Survint une femme de la ville, une pécheresse. Elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, et elle apportait un vase précieux plein de parfum. Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses

cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum. En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. »

Jésus prit la parole : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. — Parle, Maître. » Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante. Comme ni l'un ni l'autre ne pouvait rembourser, il remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l'aimera davantage ? » Simon répondit : « C'est celui à qui il a remis davantage, il me semble. — Tu as raison », lui dit Jésus.
Il se tourna vers la femme, en disant à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n'a pas cessé d'embrasser mes pieds. Tu ne m'as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m'a versé un parfum précieux sur les pieds. Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c'est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. »
Puis il s'adressa à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » Les invités se dirent : « Qui est cet homme, qui va jusqu'à pardonner les péchés ? »
Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix ! »

Ensuite Jésus passait à travers villes et villages, proclamant la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l'accompagnaient, ainsi que des femmes qu'il avait délivrées d'esprits mauvais et guéries de leurs maladies : Marie, appelée Madeleine (qui avait été libérée de sept démons), Jeanne, femme de Kouza, l'intendant d'Hérode, Suzanne, et beaucoup d'autres, qui les aidaient de leurs ressources.

Le roi David en prière Miniature, Bible de Mathias Corvin, vers 1490

Lecture du Deuxième Livre de Samuel 12, 7-10.13

Après le péché de David, le prophète Natan vint le trouver et lui dit: « Ainsi parle le Seigneur Dieu d'Israël : Je t'ai sacré roi d'Israël, je t'ai sauvé de la main de Saül, puis je t'ai donné la maison de ton maître, je t'ai donné les épouses du roi ; je t'ai donné la maison d'Israël et de Juda et, si ce n'est pas encore assez, j'y ajouterai tout ce que tu voudras.
Pourquoi donc as-tu méprisé le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ? Tu as frappé par l'épée Ourias le Hittite ; sa femme, tu l'as prise pour femme ; lui, tu l'as fait périr par l'épée des fils d'Ammon. Désormais, l'épée ne cessera plus de frapper ta maison, pour te punir, parce que tu m'as méprisé et que tu as pris la femme d'Ourias le Hittite pour qu'elle devienne ta femme ».
David dit à Nathan : « J'ai péché contre le Seigneur ! »
Nathan lui répondit : « Le Seigneur a pardonné ton péché, tu ne mourras pas ».

recherche iconographique:http://leblogdepaularrieu.hautetfort.com/tag/variations+2

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