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SITE INTERNET POUR LES DROITS DE L'HOMME
4 juillet 2010

HOMELIE: LE PLAISIR EST-IL UN PECHE ?

Pierre De Lancre, Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons./http://tracesduserpent.ens-lsh.fr/38682453/0/fiche___pagelibre/&RH=HISTOIRES-SERPENTS&RF=DIVIN-SERPENT
Lecture du Livre d'Isaïe 66, 10-14

Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez à cause d'elle, vous tous qui l'aimez !
Avec elle soyez pleins d'allégresse, vous tous qui portiez son deuil !
Ainsi vous serez nourris et rassasiés du lait de ses consolations,
et vous puiserez avec délices à l'abondance de sa gloire.
Voici ce que dit le Seigneur :
Je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve,
et la gloire des nations comme un torrent qui déborde.
Vous serez comme des nourrissons que l'on porte sur son bras,
que l'on caresse sur ses genoux.
De même qu'une mère console son enfant,
moi-même je vous consolerai,
dans Jérusalem vous serez consolés.
Vous le verrez, et votre cœur se réjouira ;
vos membres, comme l'herbe nouvelle, seront rajeunis.
Et le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs.

l'homélie du curé

Le plaisir est-il un péché ?
14ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C
Dimanche 4 juillet 2010
Lc 10, 1-2. 17-20

CHRISTIAN

par le Père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse Saint Louis d'Antin, Paris

En ce début d’été, et de période de vacances, qui ne sont pas toujours de repos mais parfois de surenchère d’activités les plus diverses, de découvertes et de voyages en tous genres, à l’image de notre société de loisirs : nous ne travaillons plus pendant l’année pour le bien commun ; nous travaillons désormais pour nous offrir un bien personnel, et en particulier de bonnes vacances -, bref, en ce début d’été où la recherche de satisfactions personnelles, de plaisirs et d’amours passagères, est comme un mot d’ordre et comme un devoir de vacances, je voudrais, au nom de l’Eglise, assumer notre discours rabat-joie. J’assume.

J’assume ce grand reproche adressé par notre époque à notre Eglise de considérer que la souffrance peut être un devoir et le plaisir peut être un péché.

Pourquoi le Christ prévient-il ses disciples qu’ils pourront ne pas être bien accueillis ? Pas bien accueillis : c’est une litote. Quel est donc ce message d’amour qui pourrait ne pas être accueilli ? Quelle pourrait être cette annonce de la paix qui pourrait être rejetée ?

Du temps de Jésus comme aujourd’hui.

Le message de l’Evangile est apparu un peu plus tôt dans le texte de saint Luc : le Fils de l’homme doit souffrir (Lc 9, 22), le Fils de l’homme doit être livré aux mains des hommes (Lc 9, 44). « Mais ils ne comprenaient pas cette parole » : ils ne comprenaient pas cette nécessité.

Comment la souffrance peut-elle être sinon un devoir, du moins une nécessité, et à l’inverse, comment le plaisir pourrait-il être un péché ?

C’est pourtant simple : parce que ni l’une ni l’autre n’ont de valeur en soi, ni l’une ni l’autre n’ont de valeur absolue.

Pour la souffrance, la compréhension est accessible par l’expérience : cela s’appelle le sport, cela s’appelle l’effort, la discipline, la maîtrise de soi, l’éducation.

Pensez à ce débat surréaliste apparu sur l’opportunité d’interdire la fessée. Ce serait une violence à bannir.
Une femme d’apparence normale est venue à moi me proposant, dit-elle, de prier pour « les violences éducatives » (sic). J’étais un peu étonné, mais je suis toujours partant pour la prière. Elle s’assoit en face de moi et commence quelques explications très alambiquées. A tout hasard, je crois honnête de la prévenir : « Je suis pour la fessée ». Que n’avais-je dit ! J’étais le représentant de l’obscurantisme le plus maléfique. Ce qu’elle m’explique longuement. Et je dois reconnaître que je ne le prends pas très bien. Ce qui fait qu’elle se lève pour partir, mais, au seuil de la porte, cette dame âgée lance une phrase terrible sur un abus sexuel dont elle avait été victime étant enfant. Je l’invite alors à se rasseoir : aucune différence d’opinion ne saurait passer avant la souffrance d’une personne.

Hélas, la suite n’a pas été réussie. Après une nouvelle discussion, difficile, nous entrons enfin dans un recueillement pour prier : prions. Je commence un Notre Père, elle m’interrompt : « en silence ! ». Plus interloqué que jamais, je lui demande : rassurez-moi quand même : vous croyez en Dieu Père, Fils et Saint-Esprit ? (c’est la condition pour prier ensemble). Elle me répond que peu importe ce qu’on prie. Et on s’est arrêté là.

Je l’ai revue quelque temps plus tard, et je sais qu’elle me reproche de ne pas considérer la violence comme un mal absolu. La violence n’est pas un péché en soi : il faut savoir se faire violence, comme il faut savoir défendre sa vie et celle des autres.

Ce qui est usant dans certains groupes de lecture de la Bible, ce sont les questions sur les paroles dures de Jésus, ou sur les guerres du peuple d’Israël : à ce rythme-là, on va trouver des Chrétiens pour prendre la défense des esprits mauvais qui auront été maltraités par Jésus : l’Adem, l’Association de Défense des Esprits Mauvais…

La violence n’est pas un mal absolu. Dans son Commentaire de la 1ère Lettre de saint Jean, où il a cette formule inouïe sur la liberté de l’amour (aime et fais ce que tu veux), saint Augustin montre que l’acte en soi n’est pas significatif : « nous voyons qu’un homme peut sévir par charité, cajoler par méchanceté. Un père bat son enfant, un marchand d’esclaves cajole son esclave. Si tu donnes à choisir entre les deux… » (VII, 8).
« Gardez-vous de croire que la charité est languissante et oisive, et qu’on la conserve par une sorte de mansuétude – que dis-je indolence et mollesse. Ne te figure pas que tu aimes ton serviteur quand tu ne le frappes pas ; que tu aimes ton fils quand tu ne le châties pas ; que tu aimes ton voisin, quand tu ne le reprends pas : ce n’est pas là charité, mais tiédeur. Que la charité soit fervente à corriger, à reprendre ! » (VII, 11).

La violence n’est pas un mal en soi, et le plaisir n’est pas un bien absolu. Cet autre versant est plus difficile à expliquer, sans doute en raison de ce que l’on met sous le mot plaisir.
Si nous avions été au Moyen-Âge, en un temps béni d’études philosophiques, sans doute aurais-je entrepris un traité sur les différentes variétés de plaisirs.
Je vous en aurais proposé sept, deux du corps, plaisir sensuel et plaisir sexuel, trois de la raison, plaisir esthétique, plaisir moral, et plaisir intellectuel, et deux de l’âme, un plaisir collectif, de la communion dans une foule, et un plaisir spirituel, de la grandeur de Dieu, l’immensité de la transcendance.

Dans un deuxième temps, nous aurions cherché pour chacune de ces catégories, un ou plusieurs critères permettant de dire dans quels cas le plaisir est bon. Quand est-ce par exemple que la gourmandise devient un péché ? Pourquoi, dans le domaine sexuel, le plaisir solitaire peut-il être réprouvé ? Qu’est-ce qui fait, en matière artistique, qu’on a le droit de se lamenter devant certaines escroqueries de l’Art Contemporain ? Etc. On les passerait en revue, successivement, à la recherche d’éléments de discernement.

J’ai dîné avec un couple de mes amis, que je voulais interroger sur l’éducation des enfants. Ils ne sont pas catholiques, au sens pratiquant, mais très représentatifs de notre époque. Ils m’ont expliqué que leur critère d’éducation était « le respect de soi-même ». Voilà le message qu’ils avaient voulu passer à leurs enfants : fais ce que tu veux, mais dans le respect de toi-même.

La première partie du dîner avait été pour cela très intéressante, mais on avait basculé ensuite dans le psychodrame, une dispute conjugale, sous l’effet de la fatigue, de la boisson, et de ma présence : certains couples profitent de la présence d’un tiers pour régler leurs comptes : elle lui reprochait de trop travailler, de ne pas soigner sa santé ni sa ligne – ce qui était vrai, il était devenu exagérément ventripotent. Un peu gêné comme on peut l’être de ce spectacle classique – Qui a tué Virginia Woolf ? -, je me demandais en moi-même comment cet homme mon ami pouvait ainsi théoriser sur le respect de soi sans se l’appliquer à lui. Et toute contradiction d’autrui nous renvoie à nos contradictions à nous.

Quel pourrait donc être le critère qui fait qu’un plaisir est bon ?

Est-ce une forme d’ouverture aux autres ? Le fait qu’il ne soit pas égoïste, mais capable de s’ouvrir, de porter du fruit ?

Qu’est-ce qui fait qu’un plaisir est bon ?

Trois réponses nous sont données dans l’Ecriture. La 1ère, dans la Deuxième Lettre de Saint Paul à Timothée qui parle de ceux qui sont « amis du plaisir plutôt que de Dieu » (2 Tim 3, 4). Allez donc rendre grâce à Dieu en vous gorgeant de nourriture – votre conscience y répugnerait ; elle se cabrerait.

Une autre indication est donnée dans l’évangile par une des très rares utilisations du mot plaisir hêdonê, dans la parabole du semeur, et dans l’image des ronces qui sont comme les plaisirs de la vie : elles étouffent le grain qui lève. Il y a un moment de basculement où ce qui est bon, le plaisir sous toutes ses formes, la protection, l’affection, la sécurité déborde et étouffe. Ce moment de basculement intervient quand l’Esprit est absent.

Enfin, le plaisir a dans l’Ecriture un synonyme qui est la plénitude. Nous croyons, nous Catholiques, que nous ne serons jamais notre propre plénitude. Nous croyons qu’il existe une plénitude, qui est Dieu, et qui ne peut être que Dieu.

Nous ne serons jamais notre propre plénitude, pas plus que nous ne serons jamais notre propre source, ni notre propre maître. Je ne serai jamais mon propre maître : j’ai un Maître, le Christ Jésus, mon Seigneur et mon Dieu, et la fin de l’évangile de ce dimanche exprime parfaitement la relation que j’ai avec lui : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton Nom » (Lc 10, 17). La joie des disciples est un bon critère du Bon plaisir – dont on disait naguère qu’il est le plaisir de Dieu. C’est une donnée d’expérience : quand le plaisir se transforme en joie. Maître, il est heureux que nous soyons ici, dit Pierre au jour de la Transfiguration. Ta présence me comble de joie.


Père Christian Lancrey Javal
curé de Saint-Louis d'Antin

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 10, 1-20

Parmi ses disciples, le Seigneur en désigna encore soixante-douze,
et il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller.
Il leur dit :
« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux.
Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson.
Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
N'emportez ni argent, ni sac, ni sandales,
et ne vous attardez pas en salutations sur la route.
Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord :
"Paix à cette maison."
S'il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ;
sinon, elle reviendra sur vous.
Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l'on vous servira ;
car le travailleur mérite son salaire.
Ne passez pas de maison en maison.
Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis,
mangez ce qu'on vous offrira.
Là, guérissez les malades, et dites aux habitants :
"Le règne de Dieu est tout proche de vous".
Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis,
sortez sur les places et dites :
"Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds,
nous la secouons pour vous la laisser.
Pourtant sachez-le : le règne de Dieu est tout proche."
Je vous le déclare :
au jour du Jugement, Sodome sera traitée moins sévèrement que cette ville. »

Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux.
Ils racontaient :
« Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom. »
Jésus leur dit :
« Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair.
Vous, je vous ai donné pouvoir d'écraser serpents et scorpions
et pouvoir sur toute la puissance de l'Ennemi ;
et rien ne pourra vous faire du mal.
Cependant, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ;
mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux. »

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